Après 59 ans des événements de 1966, le débat sur l'arabisation se poursuit en Mauritanie

Aqlame - Parmi les principaux défis auxquels l'État indépendant a été confronté, on trouve ce que l'on appelle parfois la question nationale, qui concerne la coexistence entre les différentes composantes de la nation. L'élite de l'indépendance s'est scindée en deux factions : d'une part, ceux qui réclamaient l'adhésion à l'un des pays voisins ou souhaitaient établir un système fédéral, afin de prévenir toute domination d'une ethnie sur une autre ; d'autre part, ceux qui, portés par l'enthousiasme de l'indépendance, pariaient sur la vitalité et la possibilité de construire une nation mauritanienne durable et en développement.

Bien que la lutte pour les ressources de l'État naissant ait constitué le moteur principal des diverses tensions, "le problème de la langue" s'est vite imposé comme la façade d'une compétition acharnée entre les élites en quête de pouvoir et d'influence au sein des institutions étatiques. 

Si la réforme éducative de 1959 — qui a légèrement amélioré la situation de la langue arabe en portant son enseignement à 10 heures par semaine au lieu de 6 — n'a suscité qu'une "vague silencieuse" de mécontentement, la loi n° 026/65 fut la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Ce que le régime en place considérait alors comme une "tentative de rapprocher l'école du milieu social et culturel environnant" ou comme "une réponse aux aspirations culturelles de la majorité de la population", s'est avéré, en janvier 1966, pour les porte-paroles des Noirs mauritaniens, n'être qu'un "stratagème et une trahison visant à opprimer culturellement les Noirs et à les exclure des institutions de l'État".

 

 

Les événements ont commencé lorsque les élèves noirs se sont mis en grève ouverte le 4 janvier, dans le but d'annuler la décision imposant l'enseignement de la langue arabe au lycée. Cette situation s'est rapidement détériorée, atteignant son paroxysme le 9 février avec de violents affrontements à caractère racial, faisant, selon le récit officiel, six morts et70 blessés.

Peu après le début de la grève, dix-neuf fonctionnaires noirs ont publié une déclaration sévère soutenant les revendications des élèves, considérant leur mouvement de protestation comme "le signe d'une nouvelle phase où seront réexaminés les fondements de la coexistence entre les ethnies". Le 2 février, "le manifeste des beydan" a attisé les tensions, dénonçant la "politique visant à créer une race noire de toutes pièces" et affirmant que "la rupture totale et définitive entre les deux races est le seul remède pour garantir l'avenir".

Le pays est ainsi arrivé au bord de la guerre civile, embrasé par des élèves passionnés, porteurs de revendications qu'ils considèrent comme sacrées. Ces tensions se sont étendues aux quartiers résidentiels, prenant une autre dimension caractérisée par des actes de pillage et de meurtre. Ce jour-là, la raison s'est éclipsée, permettant à un peuple censé être uni de s'entretuer comme des ennemis.

Le pouvoir, qui n’a pas "su anticiper" ces événements et a reconnu ses manquements, a dû recourir à la répression pour rétablir l'ordre et mettre en place un ensemble de mesures afin d'apaiser la situation. Lorsque les esprits se sont calmés, les choses sont restées en l'état, comme si rien ne s'était passé, laissant les braises ardentes sous les cendres, attendant un souffle de vent qui ne saurait tarder.

 

 

Ainsi, notre pays est resté en équilibre sur le bord d'un volcan, vivant les événements de février 66 plus d'une fois, portant avec lui les blessures de ces tragédies et cohabitant avec ses douleurs et ses cauchemars. Pourtant, il n'a jamais envisagé de s'arrêter, ne serait-ce qu'un instant, pour toucher aux racines du problème. 

Est-il temps de donner à la "question nationale" l'attention qu'elle mérite ? Avons-nous le droit de rêver, en 2025, d'une situation saine où l'une de nos composantes nationales puisse trouver une raison à sa souffrance, qui l'exonérerait de pointer du doigt une autre composante nationale ?

Après 59 ans depuis ces événements douloureux, le débat se ravive et les discussions s'intensifient concernant l'arabisation. Les Noirs, quant à eux, s'accrochent aux mêmes inquiétudes et peurs passées, concernant l'utilisation de cette question pour les marginaliser au sein de l'administration et de l'État.

Aujourd'hui, nous nous remémorons cette époque de notre histoire, cherchant à tirer des leçons et à élargir la conscience des Mauritaniens sur l'importance de renforcer leur cohésion et leur unité nationale. Cela doit se faire sans permettre que cette unité devienne vulnérable aux opportunismes et aux usages à des fins personnelles.

 

 

أربعاء, 19/02/2025 - 18:20