Le président Mohamed Ould Ghazouani ne semble pas disposé à partager la direction du parti avec son mentor et prédécesseur, Mohamed Ould Abdelaziz. Et s’affirme jour après jour comme le seul maître à bord.
À quoi pensait Mohamed Ould Abdelaziz à bord de l’avion loué à Mauritania Airlines qui l’a discrètement déposé sur le tarmac de l’aéroport de Nouakchott, le 16 novembre ? D’Istanbul à Londres et de Paris à Las Palmas, pendant plus de trois mois, l’ancien président n’a pas échafaudé de plan millimétré, ne s’est pas inquiété outre mesure de son avenir.
À LIRE Mauritanie : le président Ghazouani coupe le cordon avec son prédécesseur Aziz
« Aziz », qui n’a jamais caché qu’il ne se retirerait pas de la vie politique, était très confiant. Il avait l’intime conviction que son successeur et « frère » Mohamed Ould Ghazouani consentirait à partager le pouvoir qu’il lui avait lui-même transmis le 1er août.
Mais ce grand retour ne pouvait s’opérer sans qu’il récupère d’abord ce qu’il estime lui appartenir : l’Union pour la République (UPR), le parti au pouvoir, dont il a convoqué les responsables le 20 novembre. En affirmant être le seul et unique « référent » de cette formation, le nouveau chef de l’État a brisé l’élan de son prédécesseur. L’amitié entre les deux hommes a alors commencé à se fissurer.
Trois lignes rouges
Après qu’il a renversé, le 6 août 2008, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, lequel dirigeait la formation Adil, le général Ould Abdelaziz ne disposait pas d’un appareil politique. Il a alors créé dans l’urgence l’UPR, en juin 2009, à la veille de la présidentielle de juillet. Une fois élu, il est personnellement intervenu dans la nomination de ses dirigeants et s’est toujours impliqué dans ses activités. L’adhésion au « parti-État », devenu de plus en plus influent à mesure qu’il absorbait de petites formations, était alors considérée comme un préalable à l’accession à de hautes fonctions.
C’est moins vrai aujourd’hui, mais l’UPR reste l’un des instruments clés du pouvoir en Mauritanie. « Derrière ce parti, il y a en réalité le vrai patron, dit un proche de l’ex-président. Aziz estime non seulement l’avoir créé, mais aussi fait élire ses députés. Certes, chacun est libre de lancer sa propre formation, mais cela n’a bien sûr aucun poids s’il ne s’agit pas de la majorité. Sans compter que l’UPR est propriétaire des mandats. » Selon la loi, si un élu quitte le parti, il perd son mandat. Cette mesure, réclamée par l’opposition afin d’éviter ce que l’on appelle en Mauritanie la « transhumance électorale », a largement bénéficié au parti au pouvoir. La Constitution interdit par ailleurs au chef de l’État de le présider.
À LIRE Mauritanie : Mohamed Ould Ghazouani, l’équilibriste
Au lendemain de l’annonce, le 2 mars, de la candidature du « dauphin » Ould Ghazouani à la présidentielle, le patron de l’UPR, Sidi Mohamed Ould Maham, décidait de quitter ses fonctions, remettant le parti aux mains d’une commission en attendant le prochain congrès. Or ce dernier n’a cessé d’être reporté. Mohamed Ould Ghazouani vient d’en avancer la date au 28 décembre – il était initialement annoncé pour février. En signe d’apaisement, il a chargé un proche d’Aziz, le ministre du Pétrole, Mohamed Ould Abdel Vetah, de l’organiser.
En s’affirmant comme le leader de l’UPR, Ould Ghazouani montre clairement qu’il n’accepte pas d’être sous tutelle : il est le seul président, et la majorité ne doit obéissance qu’à lui. « S’il avait cédé, Aziz aurait eu une parcelle du pouvoir, et cela aurait écorné l’image du président auprès de l’opinion publique, analyse Moussa Ould Hamed, fin connaisseur de la vie politique de son pays. Ould Ghazouani ne veut surtout pas que l’on croie qu’il gouverne dans l’ombre de son prédécesseur, dont il a été le bras droit durant ses deux mandats. Chez nous, on a besoin de savoir qui est le chef. » « Il lui est impossible de ne pas montrer que lui seul décide », renchérit un proche.
Lire la suite