Sortie du néant des Majabatt El Koubra, par cette journée grise du 03 Février 1977, la colonne d’une trentaine de véhicules s’infiltre en passant par Edavre et Lekhcheb. Au niveau du campement de Ehl Elvilali sur le côté Est de l’oued Keyal, un groupe d’hommes tente de s’interposer entre la colonne et le campement. Le Chef du groupe Baddah Ould Vilali et l’un de ses membres tomberont sur le champ de bataille, alors que les autres seront faits prisonniers. La colonne de véhicules continue son infiltration en passant par Mreiba puis Nouag El Mich pour arriver à Timbahra.
Située sur le plateau du Tagant, la ville de Tidjikja s’est développée de part et d’autre d’une batha dont les deux affluents Arzak et Timbahra se rejoignent à Ndaghak avant de converger avec Iziv et Erchel Mowje à Melga Lebtah. Au nord-est, Tarev Ederg, une longue chaine de montagnes surplombe la ville. Au sud-est, Hnouk Baghdada, des falaises, canalisent l’accès de la ville par la route Tidjikja-Tichitt qui descend de Legréa. Au sud, la ville est bordée par des récifs dont affleurent deux petits mamelons, JmeilattEdbech traversés par la pénétrante Nouakchott-Tidjikja. Au nord, où se trouve l’aéroport, le terrain est dégagé.
Le Secteur 9 qui couvre tout le Tagant, commandé par le capitaine de la Gendarmerie Jeddou Ould Hakki, est composé de trois escadrons: deux escadrons de la gendarmerie dont l’un est motorisé et l’autre statique à Tidjikja et un escadron amputé de la Garde Nationale dont un peloton est implanté à Tichitt.
L’escadron motorisé est en réserve au niveau du Poste de Commandement (PC) du Secteur 9, au Collège de Tidjikja. L’escadron statique de la Gendarmerie est réparti en trois positions: la première à Breikima (P1), à l’Est de la ville, la deuxième à RoussNoueiligatt (P2) sur TarevEderg et la troisième à Sambatali (P3) au nord-est du Collège.
Elan cassé
Un peloton renforcé de l’escadron de la Garde Nationale, en statique sur JmeilattEdbech, sous les ordres de l’Adjudant Da’ive de son vrai nom Mamadou Harouna Kane, occupe deux positions statiques, l’une à l’Est de la pénétrante (P4) avec une Mitrailleuse 50 et l’autre à l’ouest (P5) disposant d’un groupe de mortiers de 81m/m.
Apres avoir installé son Poste de Commandement Tactique (PCT) au niveau de l’oued Timbahra, l’ennemi déploie sa manœuvre. L’élément d’appui est installé à l’Est de Tarev Ederg. Un élément de couverture est placé à Ledheim, sur le côté Est de Ndaghak avec pour mission de prendre en enfilade la bathaet d’interdire toute intervention en provenance de Tichitt. L’élément d’assaut progresse jusqu’à sa ligne de débouché, fixée au niveau du mausolée de Limam ElGhazouani, à l’extrémité Sud de Tarev Ederg.
A 16H00, deux éléments ennemis montent l’assaut, l’un motorisé dévalant la plaine à partir du cimetière, l’autre progressant à pied venant de l’embouchure de Timbahra. Lorsqu’ils furent à la portée pratique des armes, la position P1 ouvre le feu et casse net l’élan des assaillants. Sous l’effet de la surprise et à découvert, les deux éléments ennemis se replient sous le feu intense de P1 et reprennent leurs positions initiales. L’accrochage continue, et l’ennemi, croyant avoir affaire à une seule position manœuvre pour l’occuper. Un peloton motorisé de la Gendarmerie, commandé par le Quatrième Echelon Konaté Harouna doté de trois Mitrailleuses de 12,7m/m (Mit 50,) intervient au profit de la position sous la pression de l’ennemi. Simultanément, la position P5 déclenche un tir de barrage devant la position P1, devenue très tôt pour l’ennemi un objectif à conquérir au mieux ou au minimum à détruire.
Le peloton d’intervention se révèle particulièrement manœuvrier, changeant en permanence de position et engageant ses véhicules par alternance. L’ennemi, qui continuait son forcing pour effectuer un débarquement sur objectif,recule de nouveau sous l’effet de la boule de feu et campe derrière sa ligne de débouchéinitiale. La position P1 profite de la neutralisation de l’ennemi et met à profit la couverture feu combinée des tirs tendus et courbes amis pour s’exfiltrer. L’accrochage tourne à la guerre des tranchées, chaque partie se barricadant dans ses positions.
Un groupe d’Ehl Meihimid, dont l’instinct belliqueux a été réveillé par les crépitements des balles et le bruit des explosions, armé de Mas 34 et de Mas 36, dirigé par un ancien sous-officier supérieur de la Garde Nationale à la retraite, Tfeil Ould Meihimid, profite de l’accrochage, pour sortir à pied de la ville par le nord-est de la ville.
Utilisant le maigre couvert végétal, essentiellement à base de Guendvor, pour se soustraire aux vues de l’ennemi, les hommes s’infiltrent par Elbehga à travers Tarev Ederg, en vue d’occuper ce passage stratégique et d’interdire à l’ennemi l’accès de la ville à partir de ce col. En plus de son chef, le groupe comprend Saleck Ould Ely Beibou, Lemdeirmez Ould Sid Elemine, ElMoctar Ould Ely Salem et Soueilem Ould Tfeil.
Instinct guerrier
Vers 13H00, en atteignant la crête topographique du versant Est de la montagne qu’il voulait occuper, le groupe se retrouve à l’improviste en face du Poste de Commandement de l’ennemi, installé dans l’oued Timbahra sous les acacias. N’ayant pas été repéré, il s’installe et s’organise. Le chef du groupe donne des instructions très précises qui seront respectées à la lettre: approvisionner les armes, attendre le signal pour tirer, changer de place après chaque tir. C’est ainsi que le commandement de la colonne ennemi se trouve inopinément et, à bout portant sous les tirs nourris du groupe qui lui infligent des pertes importantes. Les échanges de tirs entre le groupe et l’ennemi continueront jusqu’au retrait de l’ennemi, juste avant le crépuscule.
L’accrochage n’avait pas duré plus d’une trentaine de minutes entre le groupe d’Ehl Meihimid et l’ennemi que des obus commencent à pleuvoir sur les emplacements de l’élément d’appui de l’ennemi. C’est ainsi que l’ennemi se trouve pris entre deux feux, le groupe d’Ehl Meihimid qui le domine à partir des hauteurs qu’il tient et les coups des obus à grande capacité des mortiers 81m/m qui font de véritables ravages parmi ses rangs.
Le Capitaine Jeddou Ould Hakki, très actif, coordonne et combine les actions de ses différents éléments.
Malgré les quatre roues à plat de son véhicule, le 4e Echelon Konate Harouna, renforcé par les tirs des hommes de la position de Breikima, fixe l’ennemi dans ses positions et lui interdit tout mouvement en direction de la ville. De son côté l’adjudant Da’ive continue le travail dévastateur de son groupe de mortiers.
L’action surprise du groupe d’Ehl Meihimid sur son centre névralgique, à Timbahra, semble avoir perturbé les prévisionsde l’ennemi, qui, attaqué sur ses arrières et bloqué à l’avant, tente de colmater les brèches en modifiant son plan d’attaque initial pour investir la ville, mais en vain.
Après plus de six heures d’accrochage, ne trouvant aucune solution pour investir la ville, l’ennemi se regroupe et s’esquive par son itinéraire d’arrivée. Sur son chemin de retour, il emporte avec lui une quinzaine de citoyens, qui resteront prisonniers à Tindouf jusqu’au retrait de la Mauritanie du Sahara Occidental, et le bétail du campement de Ehl ElVilali qui sera intercepté par les unités du Commandant Mohamed Khouna Ould Haidalla à Boujertala.
Le lendemain de l’attaque, un combattant du Polisario, du nom de Hemine de la tribu Rgueibatt, est trouvé blessé dans l’oued de Timbahra parmi les acacias par Sid’Ahmed Ould Soueilim qui le transporte sur un chameau au PC du Secteur 9, avec quelques armes et des munitions trouvées sur place.Il s’avère selon les déclarations du blessé, qui rendra son dernier souffle dans l’après-midi de la même journée, qu’il a été laissé sous un arbre par son oncle maternel, le chef de la Katiba, qui lui a notifie de ne pas quitter sa place en attendant son retour. N’étant pas revenu le chercher et convaincu qu’il ne pouvait l’avoir oublié, le blessé en déduisit que son oncle était mort, ce que confirmeront les personnes enlevées ce jour-là après leur libération.
Le bilan du côté ami s’élève à six blessés : Gendarme de 1 échelon Kabrou, Gendarme Stagiaire (G/S) Kébé Ousmane, G/S Bara, G/S Maouloud, G/S Harouna, G/S Ould Talmoudane et le G/S Beina. Du côté civil, deux morts du campement d’Ehl Elvilali, 15 personnes enlevées dont une femme et deux enfants, 11 civils blessés à Tidjikja dont 6 femmes.
De son côté, l’ennemi a laissé sur le terrain, un blessé, quatre morts, des munitions et des armes individuelles et antichar. Au cours de leur ratissage, les unités du Secteur 9 découvriront une tombe collective.
Mohamed Lemine Ould Taleb Jeddou
Extrait de “La Guerre sans Histoire”