Le champ « Banda » contenant d’importantes réserves en gaz naturel, a été découvert dans le bassin côtier mauritanien en 2002 par la société australienne Woodside Energy, avec un potentiel exploitable estimé à 1,2 TCF. Ce champ se situe près du champ Chinguitti (pétrole), à environ 60 km des côtes de Nouakchott, avec une profondeur variant entre 200 et 350 mètres sous le niveau de la mer.
Woodside a cédé ses droits sur cette découverte à la société malaisienne Petronas, parmi d’autres découvertes de pétrole et de gaz de moindre envergure dans la zone. Mais cette dernière finira, elle aussi, par passer la main à Tullow Oil, en 2011 qui projetait d’exploiter ces réserves gazières pour produire de l’électricité.
Une expérience non achevée
Au début de l’année 2012, la Société britannique Tullow Oil a entamé son projet de production de l’électricité à partir du gaz (Gas to power) à partir du champ de Banda, jugé, à l’époque, de « promoter » partant du grand intérêt manifesté à son égard par les entreprises industrielles en Mauritanie, et même par les États sénégalais et malien, en leur qualité de voisins qui peuvent bien tirer profit de ce projet.
Une stratégie globale de développement et d’exploitation de ce champ a été élaborée avec un coût estimé à 450 millions de dollars entièrement libérés par la société Tullow Oil. La Banque mondiale s’est engagée également pour 200 millions de dollars pour garantir l’investissement durant toute la période de l’exploitation estimée à 20 ans. Il a été convenu également avec les partenaires sur la distribution de parts d’électricité sur les bénéficiaires de ce projet qui sont : la Société Nationale industrielle et minière (Snim), la Société mauritanienne d’électricité (Somelec), la Société Tasiast (or) en plus des sociétés d’électricité du Sénégal et du Mali.
Ces dispositions de préparation du développement du champ Banda aussitôt finies, la société a retenu 2016 comme année de démarrage de l’exploitation, sous la supervision d’une société nationale créée à cet effet, fin 2014, sous le nom de SPEG (société pour la production de l’électricité à partir du gaz), qui est le fruit d’un partenariat entre la Somelec, la SNIM et KG POWER AG, filiale de Kinross Gold Corporation, propriétaire de la mine d’or de Tasiast Mauritanie. Après un an d’attente de la signature de la décision finale d’investissement (FID), la société Tullow Oil s’est retirée, du projet de production d’électricité à partir du gaz naturel du champ Banda, sans donner d’explications à ce revirement qui hypothèque tout ce qui a été fait jusque-là, dans un silence total du ministère du Pétrole et des autres parties contractantes. Ainsi avait fini, avant même son commencement, et avec un parfum d’échec, cette première expérience du projet d’exploitation de gaz naturel du champ Banda.
Facteurs divers
Cette première expérience visant l’exploitation du gaz naturel du champ Banda s’est caractérisée par l’imbrication de divers facteurs qui ont conduit à son échec retentissant. Certains de ces facteurs sont liés à la société Tullow Oil, elle-même, d’une part, alors d’autres relèvent des parties censées bénéficier de l’exécution du projet, d’autre part.
Parmi les facteurs les plus prégnants, on peut citer la détérioration de la situation politique et sécuritaire au Mali qui a conduit ce pays à annoncer, officiellement, son retrait du projet, malgré les avantages qu’il pouvait en tirer en termes d’offre d’électricité de bonne qualité et à coût réduit. C’est ce retrait qui a conduit au report, à maintes reprises, de la signature de l’accord de partage de l’électricité qui serait produite à partir du gaz naturel de Banda, parce qu’on ne disposait plus de garantie d’achat de la part qui devait revenir au Mali et qui était fixée à 50 MW.
Ce report qui a duré un an a eu pour conséquence de coïncider avec la fin du permis d’exploitation du champ octroyé à Tullow Oil, mais le gouvernement mauritanien avait décidé, de manière exceptionnelle, de le proroger gratuitement pour six mois, estimant que cela permettrait de trouver un moyen de faire démarrer enfin le projet. C’est au cours de cette période qu’a été annoncée, de manière officielle, la découverte du champ de Grand Tortue Ahmeyim (GTA) commun à la Mauritanie et au Sénégal avec des réserves prouvées beaucoup plus importantes que celles de Banda. Cette découverte va, pour ainsi dire, être le coup de grâce porté au projet Banda, avec tous les errements qu’il aura connus jusqu’alors, et surtout que le Sénégal ne montre plus de prédispositions à signer un accord d’achat de sa part de 125 MW, suivant en cela le Mali. C’est également les problèmes rencontrés par un certain nombre de projets menés par la société Tullow Oil chargée du développement du champ de Banda qui peuvent expliquer l’échec de la première tentative d’exploitation de celui-ci, la société ayant mobilisé environ 700 millions de dollars US pour le développement de projets gaziers, entre 2013 et 2014, en Mauritanie et au Ghana, sans résultats probants.
A cela s’ajoutent d’autres facteurs, au plan mondial, comme la chute drastique des prix des hydrocarbures, du fer et de l’or sur les marchés internationaux, ce qui a aussi atténué la volonté de la SNIM, productrice de fer, et de Tasiast (or) de parapher l’accord par lequel elles s’engageaient à acheter les parts qui leur étaient réservés dans le projet de production d’électricité à partir du gaz naturel du champ Banda.
Une autre expérience à l'épreuve
A la fin de l’année 2021, le ministère de l’Energie a signé un nouveau mémorandum d’entente avec la société américaine New Fortress Energy pour le développement et l’exploitation du champ Banda, à partir de 2024, avec les mêmes spécifications (production de l’électricité à partir du gaz) que celles du défunt projet. Le projet qui devra produire 300 MW est censé couvrir les besoins en électricité des industries minières en Mauritanie. L’accord conclu entre les deux parties comporte également la création d’une nouvelle centrale électrique fonctionnant avec le gaz d’une capacité de 120 MW qui viendra s’ajouter à celle existant déjà à Nouakchott et dont la capacité est de 180 MW, en plus de la construction et de l’équipement des autres installations nécessaires à l’exploitation du champ gazier.
Après la signature du mémorandum, la société américaine a réalisé, en partenariat avec un bureau d’études britanniques spécialisé, une nouvelle étude de faisabilité pour investir dans le projet. Il s’agissait alors d’actualiser les données existantes sur le projet et ce en fonction des nouveautés survenues tant au plan national que régional et international.
Mais malgré l’écoulement de la moitié du temps donné pour le développement du projet (2 ans), les choses sont restées en l’état, n’ayant pas encore évoluées vers la décision finale d’investissement dans les travaux de développement et d’exploitation du champ. D’aucuns se demandent aujourd’hui si l’on n’est pas en face d’un nouveau report ou, carrément, d’un nouveau flop comme celui de la première expérience avec Tullow Oil !
Alors qu’on a pris soin d’éviter les erreurs ayant conduit à l’échec de la première expérience d’exploitation du champ de Banda, certains observateurs parlent de nouvelles contraintes apparues sur un autre plan plaçant la nouvelle expérience dans une situation de grand défi à relever. Il s’agirait, entre autres, du non accord entre la société NFE et le gouvernement mauritanien sur la coopération pour le développement d’autres projets énergétiques dans le pays, ce qui pourrait pousser la société à se retirer et ouvrir la voie à d’autres choix pour l’exploitation du gaz naturel de Banda dans le bassin côtier mauritanien.
Le facteur temps est déterminant dans l’étude et le choix de toutes les options pour garantir le développement dudit champ, surtout que l’attrait de l’investissement dans les gisements de combustibles fossiles commence à régresser de manière drastique face aux orientations mondiales vers les énergies renouvelables.