Le samedi 22 mai dernier, le premier ministre du Maroc, Saad Eddine El Othman, déclarait que la neutralité dans le conflit du Sahara Occidental n’est plus acceptable.
En tout cas, en ce qui concerne la Mauritanie, je suis entièrement d’accord avec cette affirmation, laquelle en dit long sur l’aveuglement et l’arrogance diplomatique, ô combien insolents, du Maroc.
Souvenons-nous, la Mauritanie est sortie de la guerre du Sahara Occidental humiliée, agenouillée et vaincue. C’est grâce à l’institution militaire qu’elle a pu rompre avec la logique de la fuite en avant adoptée par feu Mokhtar Ould Daddah, puisque cette maudite guerre, il faut bien la reconnaitre, n’obéissait à aucun sens explicable ou compréhensible pour les mauritaniens que nous sommes et qui ont payé lourdement son prix.
Mais si les vaillants militaires ont tiré le pays de l’état végétatif clinique dans lequel il se trouvait en 1978, il n’en demeure pas moins qu’ils l’ont placé, par rapport à ce conflit, dans un état captif, spectateur, qui subie constamment la pression du Maroc et, comme la lame du ressort, est restédépouillé de toute initiative! Pourtant la Mauritanie a tellement sacrifié, tellement payé, tellement renoncé, que sa position n’aurait pas due être cela.
Je l'ai déjà dis, je le dis, et je le répète, encore une fois, il est temps pour le Maroc d’accepter le fait que les choses ne sont plus comme elles étaient auparavant: la Mauritanie a heureusement émergé des cendres des feux de ses mauvaises récoltes avec lui.
Aujourd’hui, affranchit, elle ose, elle s’assume, elle s’auto-suffise, se positionne et surtout se décomplexe en fonction de ses besoins, de ses stratégies et des ambitions de son devenir. Elle n’a donc pas à se justifier pour les choix qu’elle fait dans ses relations avec les autres, y compris avec les sahraouis, puisqu’elle s’autogère par «en dedans».
La Mauritanie comme maillon faible de la région, appartient au passé; un passé caractérisé, il est vrai,par beaucoup d’erreurs de jugement et de choix de ses dirigeants. Mais pas seulement! J’ajouterais que cette Mauritanie faible, appartient à ce passé composé d’un ensemble de stratégies et de mauvais calculs concoctés par le Maroc et uniquement par lui, et ce, depuis l’indépendance.
Si le Maroc en veut à la Mauritanie pour ses relations avec les sahraouis, eh bien il doit intégrer, une bonne fois pour toute, que MAURITANIENS et SAHRAOUIS sont des PARENTS liés par les racines de l’espèce: la langue, la culture, les valeurs sociales, la religion et par-dessus tout, par l’Histoire de «Moujtamâ El’Bidhan»; relations qu’aucune conjoncture ne peut mettre en cause, encore moins par un quelconque gouvernement mauritanien balloté par des circonstances politiques ou militaires passagères. N’oublions pas que la raison pour laquelle la Mauritanie s’était aveuglement enfoncé dans ce conflit, reposait sur le principe que la population du Sahara Occidental fait partie intégrante de «Bilad Elbidhans»; principe qu’elle avait brandit haut et fort, en 1975, devant la Cour Internationale de Justice (CIJ).
Partant de cette vérité historique, la Mauritanie aurait due, dès le début de ce conflit, prendre une position active visant à chercher une solution qui permet au peuple sahraoui d’exercer son droit à l’autodétermination, suivant les multiples résolutions des Nations-Unies. Évidemment, ce droit du peuple sahraoui INCLUS son droit de choisir librement de se rattacher à la Mauritanie. Et, quoi de plus naturel! N’est ce pas la Mauritanie est le coupole de la civilisation d’Elbidhanes, le rempart de leurs menaces, leur refuge, mais aussi et surtout leur «terre promise»? Cela va de soi!
En 1989, le Maroc a décidé de déclarer, devant la communauté internationale, qu’il est le «FRÈRE» du Sénégal et «l’AMI» de la Mauritanie! Soit!
Alors, pourquoi la Mauritanie ne peut pas dire aujourd’hui, avec fierté, que les sahraouis font partie d’elle-même et qu’il est de son devoir de les supporter dans l’affirmation de leur droit de choisir leur destin?
Oui, je l’avoue candidement que je suis foncièrement d’accord avec le Premier Ministre du Maroc: la neutralité n’est plus tenable pour la Mauritanie. Cette neutralité a placé de facto notre pays dans une position de domesticité vis à vis du Maroc. Chaque jour vient avec son lot de sensibilités, de suspicions, de paternalisme arrogant et démesuré, avec lesquelles la Mauritanie doit jongler sur la corde raide, si bien que ses éminents émissaires, à l’instar de son Ministre des Affaires Étrangères, Monsieur Ismail Ould Cheikh, se sont vus repoussés, voire carrément et volontairement ignorés par le roi du Maroc lui-même.
Et dans le calvaire de cette galère, le Maroc se positionne en «autiste», ignorant toute recherche de solution qui ne le conforte pas dans son plan expansionniste et irrationnel!
En conséquence, la Mauritanie ne peut plus VÉGÉTER dans cette neutralité STÉRILLE et contre productive, alors que le conflit altère sérieusement ses horizons et cautionne dangereusement sondéveloppement économique et social.
D’autant plus que cette neutralité a démontré son hypocrisie, sa fausseté, son inefficacité, ses limites et enfin de compte dépassée par la réalité géopolitique de la sous-région, dans laquelle la Mauritanie jouit aujourd’hui d’un nouveau statut par opposition au statut de «maillon faible» dans lequel elle s’y trouvait.
Un tel statut doit se matérialiser IMPÉRATIVEMENT, avec fierté et modestie, par un impact positif et ACTIF de sa diplomatie, en sortant de cette neutralité devenue caduque et paralysante.
Oui, il faut rompre définitivement avec ce statuquo diplomatique, lequel est manifestement entravé par le Maroc et ses CHANTAGES RÉPÉTÉS, dont l’objectif avoué et de museler les initiatives de la Mauritanie et ainsi conditionner son être: à savoir un PAYS INDÉPENDANT, SOUVERAIN, RESPECTÉ dans le monde et, surtout, dans toute la sous-région!
Maître Takioullah Eidda, avocat
Nouakchott, Mauritanie.