Transport publique : Deux tarifs, deux expériences, deux publics

Le lancement du BHNS à Nouakchott est une avancée technique indéniable. Bus climatisés, voies réservées, confort accru : la capitale mauritanienne entre dans l’ère du transport moderne. Mais derrière cette modernité affichée, un déséquilibre plus profond s’installe. Car pour embarquer à bord, il faut payer 15 MRU. Pour les autres, il reste les anciens bus à 5 MRU, bondés, vétustes, mais accessibles.

Deux tarifs, deux expériences, deux publics. En quelques jours, une mobilité à deux classes s’est imposée dans l’espace urbain. Et avec elle, une question dérangeante : à quoi sert un service public si l’accès dépend du revenu ?

Les autorités présentent le BHNS comme une offre complémentaire. Mais dans les faits, il consacre une rupture : une infrastructure publique conçue pour les usagers solvables, tandis que les plus précaires demeurent cantonnés à un système dégradé.

Le dispositif tarifaire bien qu’offrant des abonnements étudiants et une gratuité pour les bénéficiaires de Taazour ne couvre qu’une fraction des profils vulnérables. Pas de tarification solidaire généralisée. Pas de mécanisme d’ajustement pour les familles à faibles revenus. Une exclusion silencieuse, dans un secteur censé promouvoir l’inclusion.

Et demain ? Si l’on tolère deux classes dans les transports, pourquoi pas dans les écoles, les hôpitaux ou les services administratifs ? La question dépasse le BHNS. Elle interroge le sens même de la mission publique dans un pays où l’équité d’accès reste un défi quotidien.

Le vrai progrès ne réside pas dans le design des bus, mais dans la capacité de chaque citoyen à y monter. L’efficacité ne doit pas se faire au détriment de la justice sociale. L’innovation n’a de valeur que si elle est partagée.

Car derrière la fracture tarifaire, se cache une fracture socio-économique plus vaste. Dans une ville marquée par le chômage, les revenus informels et les inégalités territoriales, le transport urbain n’est pas un simple service : c’est un facteur d’accès à l’emploi, à l’éducation, à la santé. Quand la mobilité devient un privilège, c’est toute la chaîne de l’ascension sociale qui se grippe.

La Mauritanie peut réussir sa transition urbaine. Mais pour cela, elle doit affirmer un principe clair : aucun service public ne doit aggraver les inégalités qu’il prétend réduire.

 

Emergence 

اثنين, 02/06/2025 - 18:55