Mauritanie Le gaz suffit-il à la transformation économique du pays

Le 31 décembre 2024, la société British Petroleum (BP) a annoncé la production du « premier gaz » dans le cadre du projet du champ gazier Grand Tortue Ahmeyim (GTA), une avancée essentielle qui a suscité de nombreuses interrogations techniques et économiques au sein de l’opinion publique, nécessitant des réponses.

Cette réalisation marque le début de l’extraction et du transport du gaz vers l’unité de production, ouvrant une phase de tests et de mise en service visant à valider l’efficacité des systèmes avant le lancement de la production commerciale. 

À moyen terme, ce projet pourrait considérablement renforcer le cadre macroéconomique de la Mauritanie en augmentant les recettes fiscales et les flux de devises étrangères. Cependant, cette première phase, avec une production annuelle limitée à 2,5 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié (GNL), ne suffira pas à elle seule pour provoquer des transformations structurelles profondes.

Malgré les grandes attentes économiques liées à ce projet, l’impact immédiat sur l’économie restera limité face aux défis de diversification économique et de création massive d’emplois, qui demeurent les principaux enjeux du développement du pays.

Les indicateurs économiques révèlent une croissance moyenne de 3,5 % sur les deux dernières décennies, tandis que l’augmentation du PIB par habitant reste modeste, se limitant à 0,9 % par an. Ces performances contrastent nettement avec les ambitions de développement de la Mauritanie, où la faiblesse de la productivité du travail et la lenteur des transformations structurelles continuent de freiner l’efficacité de l’économie.

Ces résultats sont également en décalage avec les objectifs ambitieux fixés par la Stratégie de Croissance Accélérée et de Prospérité Partagée (SCAPP) pour la période 2021-2025, qui visent une croissance économique de 7,5 %. Ce niveau n’a été atteint qu’à deux reprises au cours des vingt dernières années, mettant en évidence les défis structurels auxquels le pays demeure confronté.

Pour reconnecter la croissance économique aux objectifs de la SCAPP, le gouvernement mauritanien a adopté une approche à deux volets. D’une part, il s’attache à améliorer le climat des affaires à l’échelle nationale, en simplifiant les cadres réglementaires et en garantissant la stabilité politique et économique. 

D’autre part, il met les villes au centre des stratégies de développement, en accordant la priorité aux investissements dans les infrastructures locales et les services urbains, à l’image du projet ( d’urgence) de développement de la ville de Nouakchott.

Les villes ne sont pas seulement des lieux de vie, mais aussi des leviers essentiels pour relever des défis complexes tels que la pauvreté et le chômage. Leur transformation en moteurs de croissance peut changer l’avenir de la Mauritanie et renforcer sa capacité à répondre aux défis du développement. Cette vision se reflète dans le message sous-jacent du gouvernement : le développement de la Mauritanie passe avant tout par celui de ses villes. 

En revenant au projet du champ gazier Grand Tortue Ahmeyim, sa première phase, bien que importante , ne constitue qu’un point de départ vers des transformations économiques plus ambitieuses. Elle offre à la Mauritanie une occasion unique de définir une trajectoire de croissance durable, à condition de maintenir une discipline rigoureuse dans la mise en œuvre de sa stratégie énergétique et d’investir dans les villes, considérées comme l’ossature physique sur laquelle reposent et à travers laquelle se façonnent les grandes transformations économiques.

 

Mohamed Yeslem Filali

économiste, juriste et gérant du cabinet de conseil JURISFISCAL

اثنين, 24/02/2025 - 18:06