Lu pour vous

Dans “Ils savent que je sais tout : Ma vie en Françafrique”, Robert Bourgi, avocat d’affaires franco-libanais, dévoile les coulisses troubles de la “Françafrique”, ce réseau opaque de relations politiques et économiques qui a longtemps lié la France à ses anciennes colonies africaines. Coécrit avec le journaliste Frédéric Lejeal, l’ouvrage expose des décennies d’influence française en Afrique, à travers les yeux d’un acteur clé de ces relations.
Surnommé “l’homme des mallettes”, Bourgi révèle des pratiques de financement politique illégal impliquant des transferts d’argent liquide de chefs d’État africains vers des partis politiques français. Il se décrit comme un intermédiaire privilégié dans ce système, servant d’intermédiaire entre présidents africains et élite politique française. Ce rôle lui a permis d’être au cœur des manipulations politiques et économiques qui ont façonné les relations franco-africaines, soulevant ainsi des questions sur la véracité et les motivations de ses révélations.
Les principaux thèmes de l’ouvrage incluent :
1.      Le système de la Françafrique : Un mécanisme où la France conservait une influence sur ses anciennes colonies en soutenant des régimes autoritaires en échange de bénéfices économiques et politiques.
2.      La manipulation et les jeux de pouvoir : Bourgi décrit un réseau d’intérêts cachés, de trahisons et d’accords secrets, invitant le lecteur à s’interroger sur la véracité de ses allégations, souvent controversées.
3.      Le rôle central de Bourgi : Se présentant comme “l’homme qui sait tout”, il revendique une place privilégiée dans ce système tout en restant ambigu sur ses propres motivations.
4.      Les mallettes d’argent et les financements politiques : L’un des aspects les plus explosifs du livre concerne les mallettes d’argent, utilisées pour financer des campagnes électorales en France.
Cependant, cet ouvrage suscite de nombreuses questions. Bourgi est-il un lanceur d’alerte désintéressé, ou manipule-t-il ses révélations pour servir ses propres intérêts ? Dans un monde où les relations sont souvent secrètes, Bourgi laisse planer des doutes quant à ses véritables intentions.

 

La Mauritanie, un épisode marquant

L’un des épisodes marquants concerne la Mauritanie. Bourgi rappelle ses liens avec ce pays, où il a vécu en tant qu’enseignant à l’École nationale d’administration, et son rôle après le coup d’État de 2008. Peu après ce renversement, il rencontre  l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou qui cherche à défendre la cause des militaires mauritaniens qui venaient de renverser le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi auprès des autorités françaises.
Bourgi réussit à obtenir un entretien entre le général Mohamed Ould Ghazouani, chef d’état-major, et Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Élysée. La rencontre, également en présence de Bruno Joubert, conseiller pour l’Afrique, tourne autour du rejet européen du pouvoir de Ould Abdel Aziz. Mohamed Ould Ghazouani, manifestement irrité, rejette la critique qui lui est faite d’avoir contribué à la chute du président Sidi Mohamed Ould Abdallahi, alors que l’impopularité de ce dernier est évoquée comme raison principale de sa destitution. L’entretien se termine sans grand éclat, mais les discussions progressent.
Ce n’est que lors d’un déjeuner au Bristol que les dés sont véritablement jetés. Bruno Joubert est bientôt déplacé de ses fonctions, et Mohamed Ould Ghazouani rencontre à nouveau des hauts fonctionnaires français en 2009, alors que les préoccupations liées à la lutte contre le djihadisme au Sahel gagnent en importance. Quelques mois plus tard, Mohamed Ould Abdel Aziz est reçu à l’Élysée par Nicolas Sarkozy, une reconnaissance tacite de son régime.
L’histoire prend une autre tournure avec la disgrâce de Mohamed Ould Bouamatou, désormais en exil. La destitution du président Sidi Mohamed  Ould Cheikh Abdallahi montre alors à quel point les alliances et trahisons dans ce monde de la “Françafrique” sont motivées par des intérêts personnels plus que par des principes démocratiques ou éthiques.
En somme, “Ils savent que je sais tout” est à la fois un témoignage fascinant et une mise en scène stratégique de Robert Bourgi, un homme qui a été au cœur du système de la Françafrique et qui cherche à asseoir son image d’initié, tout en laissant planer le doute sur ses véritables motivations

 

Ahmed Mahmoud dit Gemal,

Conservateur de bibliothèque

جمعة, 25/10/2024 - 16:26