Depuis quelques jours, le port de N’Diago est subitement remonté à l’ordre du jour. Il y a peu de chance que la polémique orchestrée autour de ce projet, dont on ne parlait pas auparavant, soit gratuite. Il s’agit d’un port multifonctionnel financé à 100% sur le budget national et construit par une société chinoise, à une trentaine de kilomètres au nord de NDiago et à une cinquantaine de KM de St-Louis du Sénégal. Les détracteurs du port n’y vont pas avec le dos de la cuillère. Ils font recours à tous les arguments possibles et imaginables pour le vouer aux gémonies, allant jusqu’à la superstition.
Si on revenait un peu sur l’histoire des ports dans notre pays. Le port de Nouadhibou (Port-Etienne à l’époque) a précédé l’indépendance. Pour le port de Nouakchott, nous savons comment des forces occultes se sont opposées à sa réalisation, sur la base d’études négatives menées par les services de l’ancienne puissance coloniale qui laissaient entendre qu’un port en eau profonde était impossible à Nouakchott et que seul un wharf était envisageable. Tous nos voisins maritimes y étaient également défavorables.
C’est grâce à la volonté et à l’engagement de l’ancien président Moktar Ould Dadah et grâce à la coopération chinoise que ce port a été réalisé et constitue aujourd’hui un outil de notre souveraineté nationale. Et voilà que les mêmes démons ressortent leurs têtes pour barrer la route au port de N’Diago. Les mêmes Etats qui s’opposaient au port en eau profonde de Nouakchott se mobilisent, avec à leurs côtés des hommes d’affaires étrangers et nationaux. Il ne s’agit pas d’empêcher sa construction puisqu’il est déjà une réalité, mais d’handicaper son fonctionnement, de manière à en prendre le contrôle, comme c’est le cas de plusieurs grands ports d’Afrique de l’Ouest, tels que Dakar, Conakry, Abidjan, pour ne citer que ceux-là.
On nous rabat les oreilles avec cette litanie sur la rentabilité. La rentabilité d’un port ne se mesure pas sur le court terme et un port multifonctionnel comme celui-ci ne peut pas ne pas être rentable sur le long terme. A cela plusieurs raisons :
- Le port de N’Diago est d’abord un port militaire pour assurer la sécurité des frontières maritimes de la Mauritanie et surtout de Nouakchott. Cet aspect des choses n’a pas de prix quantifiable ;
- C’est aussi un port de pêche où tous les bateaux opérant dans la zone de Nouakchott jusqu’à la frontière avec le Sénégal peuvent y débarquer leurs prises, les conserver et les exporter vers tous les marchés du monde ;
- C’est également un port de commerce où les marchandises peuvent être débarquées pour être acheminées vers l’intérieur du pays et même vers les pays enclavés d’Afrique de l’Ouest par la voie fluviale, beaucoup moins coûteuse et plus sécurisée que la voie terrestre, réveillant ainsi les vieilles lignes de transport de personnes et de marchandises par le fleuve entre St-Louis et Kayes au Mali ;
- C’est enfin un chantier naval où les bateaux peuvent être construits ou réparés.
Je pense qu’une étude ayant pour objet de se prononcer sur la rentabilité d’un port, déjà terminé fort heureusement, ne requiert pas des expertises étrangères, à moins de vouloir retarder la mise en service des installations et alourdir les charges y afférentes. Il est de plus en plus évident que les scientifiques et experts travaillent selon les intérêts pour lesquels ils ont été commis et le titre d’une étude détermine sa finalité. Ce serait condamner, a priori, ce port que de mettre sa rentabilité en question.
Il suffit, à mon avis, de constituer une équipe de cadres mauritaniens compétents et mus par le seul intérêt national en leur confiant le travail à entreprendre. Au stade actuel, la priorité doit consister à réaliser la route qui va relier le port à Keur Macène, envisager la navigation fluviale pour le transport des marchandises et terminer la ligne haute tension qui doit fournir l’énergie électrique. Un port c’est l’avenir et cette zone est une zone d’avenir pour le développement du pays, car c’est là où se concentrent toutes les récentes découvertes de gaz et de pétrole, aussi bien les réserves qui seront exploitées en commun avec le Sénégal que celles revenant en propre à la Mauritanie.
Vous savez, la technique dépend de l’usage que l’on veut en faire. Prenons un exemple historique où la Chine est concernée. Les Chinois sont à l’origine de la découverte de la poudre à canon et l’utilisaient pour les feux d’artifices. Lorsque l’Occident en a fait la connaissance, il s’est mis à l’utiliser comme arme pour coloniser le Tiers monde et particulièrement l’Afrique. Il y a lieu donc de faire attention : la science est un couteau à double tranchant.
Boydiel Ould Houmeid