Des déclarations inopportunes, sur la vulnérabilité de l’Afrique à la pandémie Covid-19, véhiculées dans des médias internationaux réputés, reprises par d’autres dans le continent, seraient passées inaperçues si des scientifiques n’avaient été impliqués. Parmi celles-ci : « la maladie est déjà en Afrique mais pas diagnostiquée », « les africains ont des gènes qui confèrent une résistance supérieure aux autres », « l’identification des contacts et leur suivi posera problème, « le continent n’est pas infecté par chance », etc… La rapidité de l’explosion des épidémies, dans les autres continents, fait que l’Afrique ne peut héberger le virus pendant une durée d’incubation supérieure sans flambées notables. Les gènes sont humains et non géographiques, l’hétérogénéité de la population du continent réfute l’idée d’une protection sélective.
Ceux qui étaient dans l’arène se souviennent. La pandémie H1N1/09, est arrivée environ 6 mois après son début en Amérique Centrale en 2009 ; la déferlante avait envahi tout le continent sans beaucoup plus de dégâts qu’ailleurs. Trois pays, dont un subsaharien, atteints par la grippe humaine (A/H5N1) après son début en Asie et un seul pays subsaharien avec un cas confirmé importé, 4 mois après le début de l’épidémie SARS-CoV 2002-2003 en Asie. La construction de la gestion des épidémies commencée début 2000, y compris des capacités en épidémiologie de terrain et renforcée par le Règlement Sanitaire International porte ses fruits. Ce qui n’empêche, comme ailleurs actuellement, ne pouvoir retrouver le(s) « cas 0 » ou accidentellement rater un (des) cas suspect(s) à la consultation. Les cas suspects, depuis le début de Covid-19, sont soumis aux protocoles standards reconnus pour confirmer ou infirmer la maladie par les réseaux de laboratoires fiables.
Même si les modes de transmission diffèrent, l’expérience a été acquise grâce la gestion de multiples épidémies de fièvres hémorragiques et autres, y compris l’identification et le suivi des contacts. Le point faible demeure les hôpitaux surtout malades de leur gestion. La capacité des systèmes de santé est bigarrée, le modèle attribuant la force à un pays plus qu’un autre serait relatif ; ceux ayant des hôpitaux « de pointe » n’ont forcément pas la même capacité de gérer une épidémie dans son ensemble. La transmission soutenue au niveau de la communauté avait pris racine en 2009, dans les pays dits forts, avec une surmortalité ; l’immunodéficience acquise a influencé dans l’un d’eux.
L’augmentation des ports d’entrée, suite aux épidémies en Europe dont la gestion de mouvements de population diffère, a augmenté la vulnérabilité ; les pays de l’Afrique du Nord et de l’Ouest sont accessibles par voie maritime et terrestre dans un délai compris dans la période d’incubation. L’accès à l’information sur cheminement des voyageurs par avion, depuis leurs points de départ, aiderait à identifier ceux provenant (ou transitant) dans des zones à haut risque. Sans nul doute la gestion des premier cas, importés d’Europe au Nigeria et au Sénégal, y compris la prévention d’une transmission locale, est un test majeur de la capacité d’encapsuler Covid-19 en Afrique subsaharienne.
Pas de conflit d’intérêt
Idrissa Sow, Médecin de Santé Publique Indépendant