« Mahsar » signifie, en dialecte hassaniya, regroupement de dizaines voire centaines de tentes. Un concept utilisé dans l'Ouest mauritanien et l'Adrar. Émiral, un tel campement peut même compter des milliers de tentes. « Le Mahsar de l'émir Mohamd Lehbib », rapporta l'auteur du fameux ouvrage français « La prison nomade », « comptait en 1847 plus de quatre mille tentes et le campement du célèbre guide spirituel Cheikh Sidiya à Tendowja en dénombrait mille. Au Tagant, en Assaba et au Hodh, les campement des émirs Idowiich, Oulad M'barek et Ahel Lemhaimid étaient appelés, quant à eux, El Hella [...] ».
Le Mahsar de l'émirat du Trarza fut rassemblé par l'émir Heddi ould Ahmed Ben Damane au 17ème siècle. Il ne comptait qu’à peine une trentaine de tentes, n'abritant que les membres de la cour émirale. Les autres princes, frères et cousins de l'émir et tous descendants, à ce titre, du chef des Mgafra Ahmed Ben Damane, n'acceptaient jamais d'habiter le campement de l'émir. Ils se tenaient á l'écart, attendant la moindre alerte pour aller défendre le Mahsar, comme tous les autres descendants de Terrouz. Le tamtam émiral avait sa tente spéciale et ses chameaux spéciaux qui le transportaient lorsque le Mahsar partait en transhumance. Ses batteurs étaient tirés au volet. L'un des fils de l'émir, membre de sa tribu, cousin direct ou éloigné, s'occupait toujours de battre ce fameux tamtam appelé « Boughrara ».
Le premier tamtam émiral du Trarza fut offert par le sultan du Maroc Moulay Ismaïl á l'émir Ely El Kori au début du 18ème siècle. Le Trarza avait toujours entretenu d'excellentes relations avec ce royaume depuis le soutien militaire que les Chérifiens avaient accordé à l'émirat lors du règne de l'émir Ely Chandora. En 1924, l'émir Ahmed Salem ould Brahim Salem changea l’ancien tamtam de cuivre contre un nouveau dont la calebasse fut offerte par le fameux Cheikh Ahmedou Bamba. Les battements de ce tamtam ne se faisaient qu'occasionnellement entendre. Ses rythmes se différenciaient au gré des situations. Tout d’abord le battement d'alerte ou « Eratim El Vezaa » qui mobilise les guerriers à se rassembler pour combattre un ennemi. Puis celui du voyage, « Aratim Erhil », lorsque le Mahsar veut changer de terrain pour le pâturage du cheptel. Le troisième, c'est celui de l'égarement. On le frappe pour annoncer qu'une personne ou plusieurs se sont égarées et qu'on doit les rechercher. Le quatrième prévient que le ou les égarés ont été retrouvés.
Une journée culturelle
En 1948, lors du règne du très populaire et pieux émir Mohamed Vall ould Oumeïr, une école nomade fut ouverte au Mahsar. Son premier enseignant était le défunt Brahim Khlil ould Isselmou qui fut nommé plus tard hakem en plusieurs villes du pays. Cette école fut le noyau de la formation de plusieurs cadres de la région dont certains occupèrent de hauts postes de responsabilité civile et/ou militaire... En 1958, le vaillant émir Hbib ould Ahmed Salem décida de fixer le Mahsar auprès d'un puits à six kilomètres au Nord de Méderdra. Une école y fut aussitôt construite, avec un dispensaire et quelques maisons. Dotée d'une cantine, cette école forma durant deux générations des dizaines de futurs cadres du pays. En 1977, le défunt émir Hbib décida de transférer le Mahsar vers Tiguint. De belles maisons et infrastructures furent ainsi été laissées à l'abandon. Leurs vestiges ont résisté au temps malgré les intempéries et la désertification. Toujours debout, ces bâtiments témoignent de leur époque et rappellent le bon vieux temps à ses nombreux nostalgiques...
Un groupement de jeunes locaux a décidé de s'associer sous le nom « Jeunesse du Mahsar », en se sacrifiant corps et âme pour la renaissance de cette valeureuse civilisation en perdition. Depuis une dizaine d'années, ces jeunes se démènent pour rétablir la vie en ce lieu abandonné. Le président de l'association, N'deksaad ould Ndiak ; ses membres Salem ould Sidi Yaraf, Mohamed ould Hbib, Hbib ould Aïdelha, Sid'Ahmed ould Hamed ; ainsi que d'autres passèrent, sans eau ni électricité, nombre d’hivernages et de jours sur le site, sous le vent et le froid, pour convaincre les leurs d’en faire autant. Leur initiative a fini par porter fruit. Ils ont obtenu, voici deux ans, un forage d'eau courante. Quelques villas et cabanes y ont été construites et la plus grande partie du lotissement établi par le brillant ingénieur Abdou ould Abdellatif est déjà occupée. Le réseau électrique sera mis en service très prochainement. Rendue sur place le samedi 20 Août pour en faire l'étude, une mission de la SOMELEC l’a confirmé.
Les yeux sont rivés ces jours-ci sur l'organisation de la Journée culturelle prévue le samedi 3 Septembre. « Jeunesse du Mahsar » s'est fixé le défi de la réussir avec éclat. Des conférences animées par de grands chercheurs et historiens ainsi que des concerts sont au programme. Des objets du patrimoine émiral, comme le fameux tamtam, seront exposés au public méderdrois et à de grandes personnalités du monde culturel et notabilités locales.
Salman ould Moctar