Revenu au pays, le mois dernier, Mohamed Ould Abdel Aziz a déclenché une crise au sein de son camp qui a rouillé toutes les cartes. Et qu’il semble bien avoir perdu. Retour sur cette crise qui continue tout de même de défrayer la chronique.
L’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz avait boudé les festivités du 59ème anniversaire de l’indépendance pourtant célébré chez lui, à Akjoujt. Sa chaise, placée entre Ahmed Ould Daddah et Sidi Ould Cheikh Abdallahi –est-ce une provocation ?-, est restée vide.
Cette absence, plus ou moins attendue, révèle au grand jour les divergences devenues profondes entre lui son successeur, son ami de quarante ans, le président Mohamed Ould Ghazouani.
A priori, tout a commencé à la suite de cette réunion tenue par Aziz avec le comité provisoire chargé de gérer l’UPR. Ce qui a été tout de suite interprété de l’autre côté, le camp du président Ghazouani, comme étant une volonté chez Aziz de récupérer, à travers le contrôle du parti-Etat, une partie du pouvoir qu’il avait cédé –avec amertume- le 1er août dernier au nouveau président Ghazouani.
La riposte du pouvoir qui paraissait mou, fut forte : réunion de plus quatre vingt députés de l’UPR qui reconnaissent Ghazouani comme unique référence à leur action politique. Des conseils régionaux, des maires et d’autres personnalités de l’UPR leur emboitent le pas. Même la commission chargée de la gestion du parti allait, dans sa grande majorité (22/27), revenir ‘’à la raison’’ pour pondre un communiqué qui ne reconnait que Ghazouani comme référence du parti.
Une réaction qui n’a pas découragé Mohamed Ould Abdel Aziz qui a poursuivi sur sa lancée en convoquant les structures des jeunes et des femmes de l’UPR chez lui. Objectif : les mobiliser sur les ingérences ‘’inacceptables’’ de Ghazouani dans les affaires du parti. Là également, ‘’l’ancien’’ n’a pas rencontré la réussite escomptée. La réunion s’étant terminée en queue de poisson lorsque le président s’est énervé de la réponse ‘’inattendue’’ du président de la structure des jeunes et une question de la responsable des femmes relative à la nature de la relation qui le lie à Ghazouani.
Depuis, l’ancien président est allé en brousse et n’est revenu à Nouakchott que dimanche soir. Il n’a pas encore réagi publiquement à ce qui semble bien être la rupture totale entre lui et le président actuel qu’il aurait cherché à ‘’régenter’’. Le divorce est si fort que certaines rumeurs évoquent une forme de résidence surveillée qui aurait été imposée à Aziz par les services de sécurité. On aurait même procédé à l’annulation de son passeport auprès des services de l’Etat civil…
Difficile de confirmer la réalité de ces mesures, tant le pouvoir tient à faire accréditer l’idée que tout est normal. En réponse, vendredi dernier, à une question qui lui a été adressée par l’un des députés membre de la commission des Finances du parlement, le ministre de la Défense a nié l’existence de problèmes liés à la sécurité dans le pays. Pour lui, les mutations au niveau du Basep (le fameux corps d’élite qi constitue la force de frappe de Aziz) relèvent de l’ordinaire.
Une explication peu convaincante, tant les éléments de la sécurité présidentielle déjà présents à Akjoujt depuis quelques jours ont été priés subitement de rentrer à Nouakchott. Pour assurer la sécurité du président, ils ont été remplacés au pieds-levé par des éléments du bataillon des commandos Para, le fameux BCP, dont le commandant Ould Moyleh venait tout juste d’être promu chef du Basep.
Son prédécesseur, Colonel Sougoufara, était retenu à la gendarmerie à Akjoujt où il y restera jusqu’à après le départ du président. Ramené à Nouakchott, il sera tout de suite muté en complément d’effectif à la région militaire de Nouadhibou. Son adjoint, lieutenant colonel Cheikna Ould Qoutoub, sera mis en position de stage.
Peut-on croire réellement, le cas échéant, à la version présentée par le ministre de la Défense ? Certainement pas ! Il est en effet établi dans l’opinion qu’il y avait ‘’quelque chose’’ : une tentative de putsch ou même un assassinat contre le président Ghazouani à Akjoujt? Les services de police auraient intercepté deux entretiens au téléphone, de 7mn et 15mn, entre le désormais ancien chef du Basep et Mohamed Ould Abdel Aziz. Ils auraient également remarqué d’autres indices au niveau du commandement des unités du Basep qui allaient sécuriser le président et qui ont été dessaisies de cette mission une heure avant l’arrivée du président Ghazouani.
Si tel était le cas, pourquoi n’avait-on pas procédé à des interpellations ? Le tempérament et le calme légendaire de Ghazouani expliqueraient cette retenue et cette manière de faire bien étrangère au comportement de nos services de sécurité.
Autres éléments évoqués pour expliquer la détérioration rapide des rapports entre Ghazouani et Aziz : le pillage opéré sur certains comptes de la République (le compte des générations futures…) par Aziz et son équipe au moment de quitter le pouvoir.
Le président Ghazouani ne pardonnerait pas à son prédécesseur ce comportement, d’autant plus que les comptes de la République seraient actuellement au rouge. Il aurait même convoqué l’ancien ministre des finances et actuel ADG de la SNIM pour lui demander des comptes. Celui-ci se trouve à Nouakchott depuis plus d’une semaine et a fait passer dans un blogue de la place que le compte des générations futures était géré conformément à la réglementation en vigueur.
Une réaction qui accrédite plus ou moins les rumeurs largement reprises dans la presse à propos de cette affaire. Mais quelque soit la direction que va prendre le bras de fer entre Ghazouani et Aziz, il parait tout de même que le président Ghazouani, qui a déjà gagné la partie, a désormais les coudées franches. Dans son for intérieur, ce dernier doit remercier le bon Dieu de l’avoir débarrassé de cet ami encombrant qu’est Mohamed Ould Abdel Aziz.