Beaucoup de questions sur la situation en Afghanistan et ses repercussioins : Quelles seront les conséquences de la victoire des Talibans ? Quel type d’Etat adopteront –ils ? Vont-ils servir de base arrière pour les mouvements islamistes armés à travers le monde comme du temps de Ben Laden et du mollah Oumar ? Ou plutôt chercheront-ils à composer avec la communauté internationale, comme font d’autres régimes se réclamant de l’islamisme politique : en Turquie, en Arabie Saoudite et dans une moindre mesure au Maroc, ou ailleurs ?
Personnellement je souhaiterais voir l’avenir sous l’angle de cette dernière option, à défaut de la privilégier clairement. Elle ne me semble cependant pas à exclure.
Essentiellement des impacts moraux !
C’est vrai que les extrémismes armés de tout bord, pourraient tirer des avantages moraux de la victoire des Talibans. Elle n’est toutefois pas contagieuse, même si les mouvements dits « djihadistes », plus particulièrement, y puiseraient des sources d’enthousiasme et de motivation, notamment au Sahel. En revanche, son apport pratique sur les champs d’opérations restera à priori limité.
Certes, l'efficacité héroïque des Talibans face aux Américains et leurs alliés, malgré leur puissance militaire incommensurable, offre aux guérillas un exemple encourageant. Même des voix de ''l'islamisme politique modéré'' saluent cet héroïsme. Mais tout cela n’est pas nouveau.
La terrible déroute des « Yankees » au Vietnam était plus humiliante encore. Pour autant, ses impacts sur les « mouvements révolutionnaires » de l’époque étaient assez réduits en dépit des espoirs qu’elle y avait suscités, y compris en Mauritanie. De même, la ''révolution islamique'' en Iran n’a pas été reproduite ailleurs.
Au pire, des perturbations et des déséquilibres géopolitiques sont à craindre du fait de la nouvelle situation en Afghanistan, comme il y’en a eu suite à la défaite américaine au Vietnam. La guerre froide s’en alimentait et nourrissait à la fois les crises et les conflits, à l’époque.
Un monde multipolaire : quand conflictualité et coopération vont ensemble.
Aujourd’hui, le contexte a changé, ou du moins d’apparence. Le monde n’est plus bipolaire et ses rivalité suivent des trajectoires complexes à l'image de la diversité des acteurs des tiraillements géopolitiques. Des acteurs multiples et variés à tous égards : Chine, Etats Unis, Russie, Union Européenne... pays émergents (Inde, Turquie, Corée du Sud…). Leurs rapports associent conflictualité et coopération, les intérêts économiques prenant l’ascendant sur les divergences idéologiques.
Cet aspect n’échappera probablement pas au futur régime des Talibans. Forts de leur mauvaise expérience passée au pouvoir, de 1996 à 2001, ceux-ci procéderont normalement avec réalisme. Il serait bien concevable qu'ils favorisent, dans leurs relations et politique étrangères, la ''realpolitik'' au détriment des fougues idéologiques dont ils avaient payé chèrement le prix par le passé.
Trois grands défis : terrorisme « blanc », pandémie et changement climatique.
Sur le plan des combats idéologiques, l’Occident et les autres pays, feraient mieux, eux aussi, de nettoyer devant leurs portes. Le terrorisme et l’extrémisme violent se développent chez eux en épousant des couleurs et cachets locaux. « L’islamisme radical » n’est plus l’unique ennemi. Il est- en train de passer au second plan. Avec la poussée du populisme et de l’extrême droite, un autre extrémisme violent se développe dangereusement en Occident et dans d’autres régions du monde. L’occupation du Capitole, le 6 janvier, dernier par les partisans de Donald Trump, et la popularité et le crédit politique, que l’ancien occupant de la Maison blanche, continuent d’en tirer, montrent que le risque est très sérieux.
Là, réside un chantier de lutte contre un terrorisme, en gestation, qui n’est pas lié aux Talibans. S’en occuper devait passer avant de soucier de la nature du régime politique que choisiront ces derniers. Quel qu’en soit le type, il serait difficile qu’il soit contagieux ; surtout pas en Occident !
Puis, par ailleurs, n’oublions pas les défis liés à la pandémie de la Covid 19 et aux changements climatiques. Deux champs de batailles où les incertitudes et les risques sont sans commune mesure avec le reste des problèmes que connait le monde aujourd’hui. Pour y faire face, il y a un atout : ils sont moins ‘’clivants’’ que les autres questions ou dossiers stratégiques et géopolitiques brûlants. Ils ne sont toutefois pas non plus toujours consensuels, loin s’en faut !
El Boukhary Mohamed Mouemel