Les troubadours de l’insulte

Quand la scène politique nationale était dominée par les courants nationalistes arabes, le discours et les échanges politiques contradictoires étaient polis. On ne proférait pas d'insultes envers l'adversaire et on ne portait pas atteinte pas à sa dignité, et la rhétorique des intervenants se caractérisait par sa hauteur et sa noblesse, même s’ils ne manquaient pas d'esprit critique, de sarcasme et de repartie. Et ils avaient toujours fait preuve de retenue et de respect, non seulement envers les autres, mais aussi envers l'art politique qui doit, en toute circonstance, rester digne et sérieux. 
Le langage des nationalistes arabes était toujours exempt de mots péjoratifs offensants et d'insultes, comme 'nègres' et 'esclaves', par exemple.
En outre, les Baathistes et les Nasséristes s'opposaient aux régimes en place plutôt qu'à la population non arabe. Leur attitude leur avait valu de subir toutes sortes de répressions et de supplices. Ils avaient enduré le martyre à cause de la férocité des forces de police. Dans son ouvrage sur la maltraitance policière des Baathistes, Abdallahi Ould Mohamedou fait référence aux anges de la torture.
Il est également nécessaire d'inclure dans ce registre les centaines d'officiers et sous-officiers baathistes et nasséristes qui ont été radiés des rangs de l'armée et des forces de sécurité.
Mais depuis que le champ politique a été investi par les militants d'IRA et du courant nationaliste pulaar, l'injurie, l'offense et l'outrage sont devenus des mots d'ordre. C'est un peu comme si la prose vitriolique et l'insolence étaient en compétition, comme si le militantisme était une foire de la hargne.
Il semble que les militants d'IRA aient l'impression de bénéficier d'un blanc-seing dans ce marécage en raison de ce qu'ils désignent comme 'l'injustice historique', c'est-à-dire l'esclavage. 
C'est incorrect, l'État et la population arabe ne sont pas comptables des forfaits de l'histoire. Ils ne sont responsables administrativement, politiquement et moralement qu'après la mise en place de l'État.
De même, il semble que les nationalistes pulaars justifient leur hostilité raciste envers les Arabes à cause de ce qu'ils qualifient, en termes comptables, de 'passif humanitaire'.
Là encore, il est hors de question que les Beïdanes soient tenus pour responsables des actes criminels individuels perpétrés dans des casernes isolées. Tout comme la population peule et toucouleure ne peut être désignée comme coupable des crimes de guerre des milices pulaars qui avaient mené la guérilla contre l'État mauritanien et sa population pendant le conflit avec le Sénégal.
Par malheur, les individus qui commettent ces manquements à la bonne éducation et aux règles élémentaires de civilité ne sont pas des militants de base ordinaires, conditionnés et nourris à la sève de la mauvaise conduite et de l'insolence. Il s’agit plutôt de cadres politiques qui n'ont pas trouvé de meilleure solution que de semer la discorde et de promouvoir des discours haineux remplis d'insultes et de vulgarité.
Ce qui distingue ces troubadours de l'insulte, c'est leur trivialité et leur insoutenable légèreté. Dommage, c'est leur marque de fabrique !
Cela dit, il est impératif que l'État sanctionne les sournois, sinon cela conduira inévitablement à l'anarchie.

Ely Ould Sneiba

ثلاثاء, 08/04/2025 - 09:46