Fal Ould Oumeir, l’homme qui défendait le Maroc depuis Trarza

Il aimait le Maroc au point d’y avoir passé ses plus belles années, et surtout au point d’y avoir brigué des postes bien en vue. Lui, c’est Fal Ould Oumeir, un Istiqlalien qui a fait de la politique un trait de sa personnalité, voire une partie de son être.
 

Lorsque vous arpentez l'avenue Fal Ould Oumeir, sise en plein Agdal, une question fuse de partout, surtout chez les plus jeunes: mais qui est ou qui fut cet homme dont le nom sonne pourtant très familier? La réponse se fait rarement attendre, car il existe au moins une personne dans notre entourage qui connait si bien ce Marocain nationaliste connu pour être l’un des plus grands défenseurs de la Marocanité du Sahara qu’a connu l’Histoire contemporaine. 

Grand pacificateur des relations intermaghrébines, il rêvait, aux années 40 déjà, de la création de l’Union du Maghreb Arabe. Un rêve exhaussé quelques décennies plus tard, sous le règne de feu Hassan II, soit en 1989, en vertu du Traité de Marrakech. 

«Le Maroc est mon pays de cœur et d’adoption ». Telle a toujours été la réponse de ce diplomate dans l’âme, dès qu’on l’interrogeait sur les raisons qui l’ont poussé à choisir de porter la nationalité marocaine en sus de celle de sa naissance : celle mauritanienne. 

Fal Ould Oumeir était un homme politique charismatique et affable. Originaire de la région du Trarza, la partie la plus méridionale de la Mauritanie, il fut avant tout un militant de l'indépendance du Royaume quand celui-ci vivait sous le giron du Protectorat français. Sympathisant du Parti de l'Istiqlal, il rallie le Maroc en 1955 et prête allégeance au défunt Roi Mohammed V en 1958. 

Tout au long des années 40 et jusqu’à la fin des années 50, Mohammed Fal Ould Oumeir passait en boucle sur les ondes de la radio nationale marocaine pour conter aux auditeurs des récits bouleversants sur les moindres détails du déroulement de la baïa aux Sultans marocains. 

Ould Oumeir exposait, avec un brin de nostalgie, un pande la Saga alaouite, tel qu’il lui a été transmis par ses aïeux, ce qui n’avait pas manqué de mettre en émoi toutes les personnes qui n’avaient d’attention et d’oreilles que pour ses chroniques. Très vite, il est perçu comme un ami proche et intime de la Nation. Un Marocophile avec un grand ‘’M’’ comme il fait si bon dire. 

Ces années-là, d’aucuns le pensaient Sahraoui, compte tenu de son beau et fort accent hassani. Parfois, comme le témoignaient ses frères de cause istiqlalienne, il aimait tant s’approprier quelques expressions argotiques casablancaises ou rbaties, ce qui en disait long sur l’amour qu’il avait toujours éprouvé pour ce pays du globe. En d’autres termes : son attachement sincère au Maroc ne laissait aucune place au doute. 

Natif de Mezardara en 1920, Mohammed Fal Ould Oumeir a coulé des jours heureux dans les cafés branchés de l’Agdal qu’il a connu, deux décennies plus tard, lorsqu’il était étudiant en droit. Jeune et attachant, il avait le contact facile avec les Marocains, les siens, comme il se plaisait tant à répéter. Cependant, à cette époque, il ignorait que l’une des avenues les plus prestigieuses de ce quartier où il aimait réinventer le monde avec ses amis «intellos »allait, un jour, porter son nom par Décret Royal émis par le défunt Roi Hassan II. 
  
Un autre cadeau de la providence : Fal Ould Oumeir a été désigné en tant que ministre d’État chargé des Affaires de la Mauritanie et du Sahara marocain le 2 juin 1961. Il a été reconduit au même poste le 5 janvier 1963 et sous le Gouvernement Ahmed Bahnini du 13 novembre 1963. 
  
En 1965, son état de santé s’est soudainement dégradé, alors qu’il était en mission à Saint-Louis au Sénégal, où il a rendu son dernier soupir le 8 mai. 

 

Ould Oumeir, vu par les autres

Né en Mauritanie en 1924, l'écrivain et homme politique Mohamed Mokhtar Ould Abah a lui aussi connu, depuis Rabat, le Maroc et les Marocains. Dans son autobiographie "Voyage avec la vie" publié à titre posthume en 2022, l'on peut trouver des extraits dans lesquels il a pris soin de brosser un portrait flatteur de Fal Ould Oumeir. "Intellectuel, sage, philanthrope, amoureux de la vie et de la paix, cet amoureux du Maroc rêvait de voir un Maghreb fort et unifié, à l'instar de la Grande Bretagne", pourrait-on y lire. "Il rêvait en grand", écrivait-il en parlant de ce personnage qu'on croirait mythique. «Il rêvait, en termes plus concrets, d’un Maghreb où les différends, quels qu’ils soient, n’auront pas lieu d’être ». 

De même, dans les récits historiques marocains, ce grand ami de la Nation reste, à bien des égards, un symbole du dialogue diplomatique exempt de langue de bois, de panachages et de faux-semblant.

L'AGDAL ET SON AVENUE TRÈS COURUE

Le quartier Agdal de Rabat tire son origine d'un mot amazigh qui signifie "jardins" ou "pâturages" car il fut un temps où il faisait office de lopins de terre tout de vert couverts. 
  
Selon une autre hypothèse, cette zone était un alpage spécialement aménagé pour les chevaux de l'entrepôt, d'où ce nom aux acceptions de terres d'élevage. 
Mais quel que soit l'origine exacte de ce mot, une chose demeure certaine: la fondation du quartier d'Agdal date de l'époque du Protectorat français. 
  
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la ville s'étend et la région connaît un exode massif d'Européens. Le résident Hubert Lyautey a donc tout naturellement fondé ce quartier en 1920 afin d'en faire le noyau et le poumon de la ville nouvelle occidentalisée à l'européenne, à l'image de la nouvelle capitale qui se voulait déjà moderne. 
  
Toujours selon les écrits de Louis Hubert Lyautey, Agdal était à l'origine une zone quasi-déserte mais peuplée d'étudiants universitaires en provenance, le plus souvent, de l'extérieur de la ville et parfois de l'arrière-pays. 
  
Après l'indépendance, le quartier est apparu comme l'un des plus prestigieux de la capitale avec la mise en place de plusieurs infrastructures de pointe et l'ouverture de dizaines de consulats internationaux officiels, si bien que le quartier est devenu le cœur battant de la ville. 
  
Si de nos jours il s'agit du quartier général des mordus de la Dolce Vita, compte tenu de ses multiples vitrines alléchantes, son avenue Fal Ould Oumeir n'en demeure pas moins prisée pour ses grandes enseignes et ses établissements gastronomiques de moyen et haut standing. 

L'avenue la plus fréquentée de ce quartier porte, donc, le nom d'un célèbre homme politique mauritanien naturalisé marocain et ayant occupé le poste de ministre d'Etat chargé des Affaires du Sahara marocain et de la Mauritanie. Ce fut du temps du gouvernement Bahnini, formé en 1963. 
 

Rédigé par Houda BELABD
L’opinion

 

أربعاء, 07/02/2024 - 13:31