Lors de l’émission « Des paroles et des actes », animée par David Pujadas sur France 2, l’essayiste Alain Finkielkrault et le politique Daniel Cohn-Bendit croisaient le fer. Puis vint le moment classique où l’on fait intervenir quelqu’un de la « vraie France ». En l’occurrence, la citoyenne Wiam Berhouna, une professeure d’anglais à Noisy-le-Sec dans la banlieue parisienne. Après avoir attaqué frontalement l’essayiste, elle lui assène un : « Pour le bien de la France, taisez-vous, monsieur Finkielkrault ! ». Serait-on tenté de paraphraser madame Berhouna qu’on ne résisterait pas à l’envie de lancer, à Ould Abdel Aziz, un tout aussi fringant « Taisez-vous, pour le bien de notre pays ! » Non content de s’en être tiré à si bon compte face à une demande populaire de plus en plus empressée à ce que le « casse du siècle » ne reste pas impunie, l’ex-Président multiplie les sorties depuis son retour calamiteux au pays. Après avoir échoué à faire main basse sur un parti qu’il a pourtant porté sur les fonts baptismaux et qu’il se croyait acquis, il convoque des journalistes (ou ceux qui en tiennent lieu) pour une conférence de presse, avant d’accorder une interview-fleuve à un site web. Le tout sans convaincre le moins de et du monde. La logorrhée verbale à laquelle il nous avait habitués lorsqu’il était aux affaires le suit décidément partout. Il aurait dû pourtant faire profil bas, éviter de faire des vagues et tout tenter pour se faire oublier. L’homme traîne tant de casseroles que le moindre de ses mouvements risque de provoquer un tintamarre assourdissant. Croit-il donc que les Mauritaniens ont si courte mémoire qu’ils ont déjà passé par pertes dix années de prévarication et de gabegie ? Qu’ils pardonneront à celui qui les a dirigés pendant onze ans et se permet de se gonfler, sans sourciller, d’être plein aux as et que sa fortune ne cessera d’augmenter ? Que leur patrimoine foncier sur lequel on a fait main basse, à Nouakchott et à Nouadhibou, continuera à être fructifié au profit de ceux qui l’ont pillé sans vergogne ? Que les contrats léonins qui continueront à courir, pour au moins les deux prochaines décennies, ne seront pas revus dans l’intérêt du pays ? Qu’une commission parlementaire ne verra pas le jour pour éclairer l’opinion publique sur les crimes économiques commis à l’encontre d’un pays dont près de la moitié de la population vit avec moins d’un dollar par jour ?
Encore une fois taisez-vous, monsieur Ould Abdel Aziz ! Laissez-nous vous oublier un peu. Laissez-nous tourner votre page sombre. Laissez-nous tenter de redresser un secteur éducatif dont vous vous êtes vendu les écoles. Une santé que vous avez laissée à l’agonie. Une justice que vous avez inféodée pour régler vos propres comptes. Un secteur bancaire dont l’effondrement imminent risque d’être fatal à une économie déjà exsangue. Un privé que vous avez combattu au lieu de l’encourager... La liste est longue, hélas ! La meilleure défense, croyez-vous, c’est l’attaque. C’est souvent vrai mais, en l’occurrence, vous n’attaquez personne d’autre que vous-même. Ce n’est pas seulement votre ego démentiel que vous affichez en tonitruant sur la scène publique, ce sont aussi tous ses excès. Sans respect pour la Nation – ça, on le savait tous depuis votre coup contre le Président Sidi… – respectez-vous un tant soit peu vous-même : pour votre propre bien, taisez-vous, citoyen Aziz !
Ahmed Ould Cheikh
Le Calame