Le 1er mai 1977: Il y a 45 ans, l’attaque de Zouerate

À la mémoire de ceux tombés sur le champ de bataille ce 1er mai 1977

Nous ne vous avons pas oubliés 

Nous ne vous oublierons jamais !

 

2 Cl   El Ghassem Ould Bechir  36 EDC (Escadron de Découverte et de Combat) 

2 Cl   Ngaïdé Amadou Sadio      CMDT

2 Cl   Benahy Ould Mohamed     36 EDC

2 Cl  Kamara Doudo    1er Escadron Blindé 

M. Mohamed Ould Khaled, Cadre de la SNIM

Dr  Fichet, Assistance Technique Française

Mme  Fichet, Assistance Technique Française

 

Le 1er Mai 1977, une colonne ennemie d’une quatre-vingtaine de véhicules sous les ordres de Brahim Ghali, secondé par Eyoub, attaque à l’aube la cité minière de Zouérate.

Le dispositif de combat au niveau de la garnison au moment du coup de main était bien étoffé:  Une unité statique en position au nord de la ville dans des emplacements bien aménagés, un escadron de commandement, une Section des Mortiers Lourds, une batterie d’artillerie de 105 HM2, le 1 Escadron Blindé, le 31 EDC et le 36 EDC, deux unités du secteur 3 (Aousred) en liaison administrative et le 14 EDC du Secteur 1 (Bir Mogfhrein).

L’ennemi, qui venait du nord, s’était réparti en trois éléments, un élément appui-diversion resté à sept kilomètres au nord de la ville avec le commandement, un élément de recueil au niveau de Zmeila et un élément d’assaut-destruction qui s’est infiltré utilisant le couvert des jardins publics.

Le coup de main très matinal du Polisario démontrait clairement que ceux qui l’ont planifié étaient parfaitement bien renseignés sur la situation sécuritaire de la cité. Les commandants de la colonne ennemie savaient que la ville de Zouérate, cette nuit-là, vibrait au rythme des préparatifs du 1er Mai en début de week-end, que le commandant du Secteur 2, le Capitaine Mohamed Khouna Ould Haidalla était en mission à Nouakchott et que son adjoint, le capitaine Cheikh Sid’Ahmed Ould Babamine qui assurait son interim, était à F’dérick, une localité située à 35 kilomètres à l’ouest de Zouérate.

 

Un hôte insolite

 

Le coup de main commence par une manœuvre de diversion. L’élément d’appui déclenche des tirs d’artillerie centrés sur la digue de protection et la lisière nord de la ville.

Sous l’effet de la surprise, les hommes surgissent en désordre de partout et s’accrochent à des véhicules de ramassage pour les ramener dans leurs cantonnements à l’EVB.

Mû par son patriotisme, l’Elève Officier de Réserve Cheikh Ould Chrouf, en vacances de pâques se présentera au PC du secteur 2 avec une arme individuelle et fera son baptême de feu précoce en prenant part à l’évènement.

Au même où, par reflexe, les premières unités regroupées faisaient mouvement vers l’endroit d’où semblait venir l’attaque, les commandos du groupe assaut-destruction s’infiltraient discrètement à pied par le nord-ouest de la ville, utilisant le couvert des jardins publics.

 

Un coup de main matinal

 

Vers 5 H du matin, la ville de Zouerate est réveillée en sursaut par les déflagrations des obus et des roquettes et les crépitements des armes individuelles et collectives

L’élément assaut-destruction, après infiltration, s’est réparti en trois groupes commandos. Alors que le premier avait pour mission la destruction des installations au niveau des services généraux et le deuxième, la mise hors de combats des avions sur le tarmac de l’aéroport de la ville et la prise d’otages de l’assistance française au niveau du « Ranch », le troisième groupe était resté au niveau des quartier M4 et M5 pour assurer la couverture et le recueil des deux premiers groupes.

Le premier groupe ennemi, essentiellement composé de tireurs d’armes antichar, se dirige vers les services généraux, s’installe sur les hauteurs nord-ouest dominant leur objectif et déclenche ses tirs sur les cuves de l’entrepôt des hydrocarbures provoquant ainsi un véritable feu d’artifice, ensuite il disparait en direction des jardins.

Le deuxième groupe dans la même foulée détruit un defender et un monomoteur de l’aéroclub de la SNIM, passe par le “Ranch” pour prendre six otages et se dirige vers le point de jonction.

Les actions éclair exécutées en moins de quarante minutes, le groupe assaut-destruction ennemi s’esquive aux environs de six heures en direction de Zmeila avec le butin fait à bord de véhicules de la SNIM récupérés sur les parkings.

Avant de se retirer, les commandos ont littéralement procédé au massacre de sang-froid d’innocents civils. C’est ainsi que l’attaché de direction SNIM et chef de la surveillance et sécurité, Mohamed Ould Khaled, deux coopérants français, le Docteur Fichet et sa femme ont été exécutés froidement.

 

Une réaction tardive

 

Après un premier moment de flottement, les unités de la garnison se ressaisissent et s’organisent pour faire face à l’attaque. Quand elles arriveront au niveau de la digue de protection de la ville, elles auront juste le temps d’échanger quelques tirs avec l’élément retardateur assurant les arrières d’un ennemi se retirant en direction de Guelb Elghein.

Le capitaine Cheikh Sid’Ahmed Ould Babamine tiré de son sommeil vers 05:30 par les explosions qui se succèdent, rejoint aussitôt la base, distante de quelques mètres de son domicile à Fdérick. Il embarque dans son véhicule de commandement et démarre en direction de Zouérate avec pour tout équipage son chauffeur et son opérateur, pour arriver vers 07:00 au PC du commandant de secteur à Zouérate, au moment où le dernier élément ennemi rompait le contact avec les unités de la garnison.

Le capitaine reprend les choses en main en attendant l’arrivée du commandant de secteur en provenance de Nouakchott par avion.

Arrivé à 10:00, le commandant de secteur, le capitaine Mohamed Khouna Ould Haidalla, prend le temps d’organiser ses unités et sa chaine logistique avant d’engager la poursuite de l’ennemi.

 

Un ennemi assiégé au bord de l’effondrement

 

Le secteur 1, sous le commandement du capitaine Maaouya Ould Sid’Ahmed ayant reçu la mission d’intercepter l’ennemi dès le déclenchement du coup de main à Zouérate, démarre alors que le commandant du Secteur 2 était encore en route pour son PC (Poste de Commandement).

Talonné par le Secteur 2, l’esquive de l’ennemi sera interrompue par un coup d’arrêt  du Secteur 1 qui le devancera à Zadnass. Le Secteur 1 engage le combat avec l’ennemi accroché aux flancs de la montagne et s’interpose fermement entre lui et le débouché de Ghallamane, trois bonnes heures avant l’arrivée des unités du Secteur 2. Les combats, entre un ennemi enragé qui cherche coûte que coûte à s’échapper avant l’arrivée, qu’il savait imminente des unités du secteur 2, et un secteur 1 plus que jamais décidé à en découdre avec un ennemi ayant perdu l’initiative du combat, étaient d’une effroyable férocité. Au cours des combats, le véhicule de commandement du commandant du secteur 1 sera touché par un obus qui blessera son chauffeur et son transmetteur.

Grâce à un avion du Garim, piloté par le Lt Ndiaye Ndiack qui survolait en permanence l’ennemi et assurait leur guidage, en fin de journée, les unités des deux secteurs encerclent l’ennemi, qui; pris de court entre deux feux, continue de tenir les flancs de la montagne de Zadnas avec des éléments légers, alors que son gros décroche pour s’incruster dans le réseau de ravins environnants.

La montagne de Zadnass, située à 270 kilomètres au nord-est de Zouérate, est le prolongement sud-est de la chaine de Rich Enagim à la limite de Lehmami, un massif dunaire d’accès difficile. A l’ouest et au sud, la montagne surplombe un vaste terrain plat particulièrement raviné et parsemé d’arbustes appelés « Jouneinatt » (petits paradis) offrant des opportunités de protection et des déplacements soustraits aux vues aériennes et terrestres. Au nord, l’Erg Zadnass d’une profondeur d’une dizaine de kilomètres, difficilement accessible et qui prend appui sur le flanc de la montagne, obstrue la piste Zouérate-Beir Narr. A l’est, le terrain est ouvert sur l’immense glacis de Ghallamane, très favorable aux déplacements, mais n’offrant aucune possibilité de protection ou de camouflage.

L’ennemi avait l’énorme avantage de s’être retranché dans des ravins profonds avec des éléments tenant la montagne, le point-clé qui domine tout le terrain environnant sur 360 degrés, ne laissant aux unités qu’un terrain nu très défavorable aux actions offensives. Si la position de l’ennemi lui donnait certes l’avantage d’interdire aux unités de s’approcher à 360 degrés à la ronde, il en faisait un objectif de prédilection pour les tirs d’artillerie qui lui interdisaient tout mouvement au risque de devenir une cible vulnérable en cas de tentative de sortir de sa retraite précaire.

Profitant de la paralysie relative de l’ennemi, les unités amies mettent en place un dispositif de verrouillage infranchissable. A l’est et au nord, le secteur 1, avec le 2 EB (Escadron Blindé) du LT Sarr, un escadron d’AMX marocain et une artillerie de campagne, interdit tout mouvement vers Ghallamane et Beir Narr. Du nord-ouest à l’ouest, le 14 EDC (Escadron de Découverte et de Combat) de l’intrépide Sous-Lieutenant Ely Ould Mohamed Vall bloquait définitivement toute tentative de mouvement dans ces directions. A l’ouest et au sud-ouest, le 1 EB du Lieutenant Ney Ould Bah et l’escadron de commandement du S/Lt Diop Djibril prolonge le verrouillage, en interdisant ces directions. Enfin, le 31 EDC et le 36 EDC du capitaine Sidiyé Ould Mohamed Yehye et du Lt Breika Ould Mbareck du Secteur 3 (Aousred) bloquent toute alternative d’un retour sur les traces et colmataient les dispositifs des unités des deux secteurs. Pendant toute la nuit, l’ennemi est soumis sans répit à un bombardement intensif de l’artillerie marocaine qui fera merveille en alternant les tirs de destruction, d’aveuglement et de barrage.

Le lendemain, les importantes pertes subies avaient affaibli considérablement l’ennemi. La pression à laquelle les unités le soumettaient était intenable. Pris dans un étau inamovible et réduit à la défensive, un mode d’action dans lequel il n’excellait pas, l’ennemi continuera d’effectuer des tentatives désespérées pour ouvrir une brèche, en vue de s’exfiltrer, en engageant des éléments très mobiles dans des contre-attaques sans effet sur l’étau d’acier qui l’étouffait. Malgré son combat très agressif, toutes les tentatives ennemies, pour percer le dispositif en ébranlant l’inaltérable verrouillage des unités, resteront vaines.

 

Un dénouement inattendu

 

En fin d’après-midi, au moment où, les unités se préparaient à donner le coup de grâce définitif à un ennemi totalement affaibli, chancelant et désemparé en déclenchant l’assaut final, une communication de l’Etat-major Major National leur intime l’ordre de reculer pour laisser à une escadrille de chasse marocaine l’opportunité de détruire l’ennemi. Stupéfaits, les commandants de secteurs ne purent que s’exécuter.

Jusqu’enfin de journée, aucune aviation amie ne se manifeste. L’unique avion décelé est un Defender tournant à haute altitude. Juste, avant le crépuscule, l’ennemi profitera de la dislocation du dispositif ami, pour s’exfiltrer par une brèche ouverte au sud-est sous les regards incrédules des unités, non sans avoir laissé sur le terrain les corps de ses hommes et ses matériels endommagés, ce qui n’était pas dans ses habitudes. Le siège de 36 heures d’un ennemi à bout de souffle, finissait en queue de poisson.

 

Mohamed Lemine Ould Taleb Jeddou

Extrait de “La Guerre Sans Histoire”

اثنين, 16/05/2022 - 08:59