L’hydrogène vert: Une chance pour la Mauritanie/1

Le rapport très suivi du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) paru il y a quelque jours, alerte sur une possible "extinction d'un million d'espèces" et la multiplication de "canicules sans précédent, tempêtes terrifiantes, pénuries d'eau généralisées" si les gouvernements du monde ne mettent pas en place très vite des mesures pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.

Pour tenir les objectifs de l'Accord de Paris (limiter le réchauffement à +1,5°C), le rapport préconise l’arrêt total de l’usage du charbon et la réduction du pétrole et du gaz de 60% et 70% d'ici à 2050 par rapport aux niveaux de 2019. Il préconise également que la "quasi-totalité de la production mondiale d'électricité devrait provenir de sources zéro ou bas-carbone". Les renouvelables et les énergies peu carbonées, dont le nucléaire et l'hydroélectricité, ne comptent aujourd’hui que pour 37% de la production électrique mondiale, le reste provenant des énergies fossiles.

Face aux avertissements répétés du GIEC, la plupart des gouvernements annoncent des plans pour réduire drastiquement leurs émissions CO2 ou pour les plus ambitieux, atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Les entreprises privées fournissent aussi des efforts dans le sens de la décarbonisation. En voici quelques illustrations.

La banque française BNP Paribas s’engage à réduire de 10% d’ici 2025 son exposition de crédit aux activités d’exploration et de production de pétrole et de gaz. 

Les constructeurs automobiles Ford, Mercedes-Benz, General Motors et Volvo se fixent comme objectif que l’ensemble de leurs nouvelles voitures et camionnettes soient zéro émission d'ici 2040.Deux décennies avant eux, un certain Elon Musk eut l’intuition et même la conviction que la voiture de demain sera électrique. Les marchés financiers, c’est-à-dire les investisseurs, lui donnent aujourd’hui raison : son entreprise Tesla a une valorisation boursière supérieure à tous les constructeurs automobiles réunis. 

L’Allemagne ferme en 2018 sa dernière mine de charbon. La Pologne reçoit des fonds de l’UE en échange d’un engagement ferme de sortie du charbon. Des trois sources d’énergies fossiles, le charbon (qui a permis la révolution industrielle) est celui qui émet le plus de CO2, suivi par le pétrole et le gaz

Certains pays mettent en place des taxes carbones, une taxe environnementale sur les émissions de gaz à effet de serre qui incitent les entreprises à décarboner leurs activités.

Vous l’avez compris, le monde est en train de changer. Notre pays doit saisir cette opportunité et prendre toute sa place dans la transition énergétique mondiale qui se profile.

Face à l'urgence climatique, la décarbonation constitue un des objectifs majeurs de la communauté internationale qui cherche des alternatives aux énergies fossiles.

Climeworks, une start-up suisse travaille sur des techniques d'élimination du dioxyde de carbone de l’air ambiant en le filtrant. Une technologie pas encore tout à fait au point. 

Début 2022, la Chinese Academy of Sciences (ASIPP) annonce une avancée majeure du ‘soleil artificiel chinois’, une technologie de fusion nucléaire qui pourrait conduire à une source d’énergie « propre » presque illimitée, générant bien moins de déchets que la fission nucléaire.

La capacité des énergies photovoltaïque et éolienne a fortement augmenté, de 170% et 70% respectivement entre 2015 et 2019, grâce à la baisse des coûts, aux politiques publiques et à la pression sociale. Mais malgré ces hausses spectaculaires, elles ne représentent ensemble que 8% de la production électrique mondiale, 21% de la production peu carbonée. 

Parmi ces sources d’énergie alternatives, une solution fait son chemin et pourrait bien devenir incontournable, il s’agit du développement de la filière hydrogène.

 

L’hydrogène vert, l’Energie de demain ?

 

Processus de production 

L’hydrogène, premier élément de la classification périodique, est toujours associé à d’autres atomes. C’est le cas par exemple avec la molécule d’eau H2O, association de deux atomes d’hydrogène et d’un atome d’oxygène.

Produire de l’hydrogène à partir de l’eau est assez simple. Un électrolyseur, alimenté en électricité, peut ‘’casser’’ une molécule d’eau (H2O) pour obtenir de l’hydrogène (H2) et de l’oxygène (O). On parle d’hydrogène vert quand l’électricité utilisée provient d’une source renouvelable (photovoltaïque, éolien ou hydroélectricité).

L’électricité est l’élément le plus important dans le processus de production (elle représente 75 % du coût d'une molécule d'hydrogène vert). Comme celle-ci doit impérativement être renouvelable pour qu’il y ait zéro émission, le développement de l’hydrogène ira de pair avec la croissance des énergies renouvelables. Autrement dit, la demande d’hydrogène vert aura un effet catalyseur sur le développement des énergies renouvelables.

Des usages multiples

L’hydrogène peut permettre la décarbonisation de pans entiers de nos économies.   

C’est le cas du secteur des transports, responsable de 25% des émissions mondiales de CO2. L'hydrogène pourra en effet être utilisé comme carburant pour le transport routier (camions et bus, les voitures personnelles seront électriques), ferroviaire, maritime, voire peut-être un jour le transport aérien. Lorsqu'il est brûlé, l'hydrogène n'émet pas de CO2.  

Il sera également utilisable pour décarboner la fabrication d’acier, responsable de 8% des émissions CO2 de la planète.

Plus important encore, l’hydrogène est aujourd’hui l’option la plus efficace pour le stockage et le transport des énergies renouvelables. Cette fonctionnalité revêt une importance cruciale pour notre pays.

Le potentiel de production des énergies renouvelables de la Mauritanie est l’un des plus importants au monde. Le potentiel photovoltaïque (PV) solaire est estimé à 2 000-2 300 kWh par mètre carré par an (kWh/m2 /an), les mesures de rayonnement les plus faibles correspondant aux ressources solaires les plus élevées en Europe méridionale. Pour l’éolien, les valeurs sont toutes aussi élevées mais elles sont plus localisées autour des zones côtières, avec une vitesse de pointe des vents pouvant atteindre 9 mètres par seconde (m/s) dans la région de Nouadhibou.

Notre soleil livre chaque jour un potentiel d’énergie énorme qui dépasse nos besoins énergétiques totaux. Supposons que nous augmentons exponentiellement notre capacité installée dans les années à venir, que ferons-nous des surplus d’électricité ?

Stocker l’électricité n’est pas chose aisée. Les batteries ne sont efficaces que pour les petits volumes et sur de courtes durées.

Il serait possible d’exporter une petite partie du surplus à nos voisins immédiats, mais pas aux marchés européens, asiatiques et américains(où la demande est la plus forte)en raison des contraintes économiques et techniques du transport d’électricité sur de longues distances.

La solution : produire de l’hydrogène vert avec les surplus d’électricité. L’hydrogène peut être stocké en volumes importants et pour plusieurs mois. Il peut être exporté (transport possible sur de longues distances) ou utiliser comme carburant.

En cas de besoin, l’hydrogène peut être reconverti en électricité au moyen d'une pile à combustible. Une réponse au problème posé par l’intermittence des énergies renouvelables.

 

Des défis à surmonter  

Pour être compétitif face aux énergies fossiles, la filière hydrogène doit encore surmonter un certain nombre d’obstacles technique et économiques.

L'hydrogène renouvelable est actuellement trois fois plus coûteux que celui issu des énergies fossiles. Un marché mondial de l’hydrogène vert, qui reste à établir, est vital pour permettra aux producteurs de faire des économies échelles.

Sur le plan technique, le transport d’hydrogène n’est pas sans difficulté. Il faut soit le liquéfier à une température extrêmement basse (pour le transporter en Tanker), soit le comprimer à très haute pression (pour le transporter en camions ou via pipelines). Ces opérations sont très énergivores et engendrent une perte inévitable d’hydrogène.

Même constat pour le stockage. La transformation du surplus d’électricité en hydrogène, puis la transformation de l’hydrogène en électricité pour une utilisation ultérieure (grâce à une pile combustible) présente des pertes de rendements de l’ordre de 40% à 65%.    

Le transport d’hydrogène par pipelines sera toujours moins coûteux que par voie maritime. Des financements très importants seront donc nécessaires pour le déploiement de ces infrastructures ou pour rendre les pipelines de transport de gaz compatibles avec l’hydrogène.   

Une forte volonté politique de développer cette filière est primordiale pour construire des stations à hydrogène, investir dans la recherche et développement et permettre à cette technologie de gagner en compétitivité.

 

Conclusion

Des innovations technologiques en cours de développement vont permettre de baisser davantage le coût de transport et de stockage de l’hydrogène.

Face à l’urgence climatique, la France et l’Allemagne consacrent14 Milliards d’euros pour le développement de cette filière. Le Japon, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et beaucoup d’autres pays ont des plans similaires. Il est raisonnable de penser que l’hydrogène vert surmontera ces défis et deviendra l’élément-clé de la transition énergétique.  

Le contexte étant posé, l’objet du prochain article sera d’élaborer une stratégie hydrogène vert pour notre pays, une stratégie lui permettant de tirer son épingle du jeu dans le marché compétitif de l’hydrogène vert.

 

 

Titulaire d’un Bachelor en Business Administration de l’EDHEC Business School et d’Aarhus Universit et (Danemark). 

Titulaire d’un double diplôme : Master en Management et Master of Science en Finance de l’EDHEC Business School (Londres - UK). 

J’ai travaillé comme consultant à Deloitte Luxembourg et à KPMG France. 

Président du Think Tank mauritanien ‘’Carrefour des idées’’.

 E-mail : [email protected]

خميس, 21/04/2022 - 16:04