Il aura fallu tout simplement la diffusion d’une photo d’Ould Merzoug prise à sa descente d’avion sur le tarmac de l’aéroport de Sélibaby pour faire aboyer les chiens. Incroyable Mauritanie ! Toujours la même. Invariable. Invariable dans ses critiques en tous genres et tous azimuts. La Mauritanie, un pays peuplé de « pauvres types », toujours les mêmes, adeptes de ce sport favori qui les fait toujours chercher la « petite bête » aux gens, en profitant des plus étroites brèches pour s’inviter à des débats stériles sur des évènements de portée nationale… juste pour crier au scandale.
En Juin 2021, Ousmane Kane se rendit à Dar El Barka avec le ministre de l’Agriculture Sidna ould Ahmed Ely. But de la mission, expliquer aux habitants de cette partie de la Vallée que les pouvoirs publics sont lancés dans une toute nouvelle dynamique : développer une approche pédagogique visant à mettre en valeur les terres selon un processus gagnant-gagnant, base de croissance et d’emplois freinant l’exode rural.
Et notre ministre des Affaires économiques et de la promotion des secteurs productifs qui use, depuis sa nomination, de toute son influence sur les partenaires, se casse la tête et les pieds à convaincre les bailleurs de fonds – fort déçus, il est vrai, par des accords antérieurs – d’investir au développement d’une agriculture moderne dont le premier profit sera tiré par les habitants de la Vallée, de se voir hué !Par qui ? Tenez-vous bien, par des descendants de cette même Vallée, des activistes qui tirent des ficelles depuis l’étranger, pour susciter des conflits entre les populations et les pouvoirs publics. De manière à peine voilée, certains ont même traité le ministre de « traître ».
Autre exemple, autre situation. Août 2021, Sid’Ahmed ould Mohamed, ministre de l’Habitat, de l’urbanisme et de l’aménagement du Territoire, fait approuver, par le Conseil des ministres, un nouveau plan directeur du lotissement de Nouakchott. Le premier en son genre élaboré de manière à mettre de l’ordre dans l’épouvantable « bordel » foncier instauré dans une capitale étouffée par le manque d’espaces publics. En décidant de donner à notre métropole le visage d’une ville moderne, le ministre s’est retrouvé dans le collimateur de certains criminels en col blanc, spécialisés dans le faux, l’usage de faux et la spéculation foncière sous toutes ses formes. Parce qu’il ne fait que son travail et veut le faire bien, Sid’Ahmed est accusé de « va-t’en guerre » contre les nostalgiques de l’ancien régime.
Revenons à nos moutons. Il ya deux jours, il a donc fallu simplement la mise en ligne d’une photo montrant le ministre de l’Intérieur Ould Merzoug descendre d’un avion affrété à son service pour que les vieux démons se réveillent. Pour quelques mauritaniens – « malintentionnés », pour la plupart – l’image d’un ministre descendant d’un avion privé serait une preuve matérielle de la gabegie et du détournement des deniers publics de l’actuel régime. Mais, malheureusement pour ces mauritaniens – s’ils le sont… – quelque chose leur échappe. Cette décision de conduire ainsi le ministre de l’Intérieur, qui n’était d’ailleurs pas seul à bord de l’avion mais accompagné de hauts responsables de la sécurité, a certainement été discutée et approuvée en Conseil de ministres ou par les plus hautes autorités du pays. Il est donc fort probable que cette option ait été retenue après accord du Premier ministre dont l’intégrité morale et la politique de bonne gestion ne peuvent être mises en doute. Il est aussi fort probable que cette mission ait obtenu l’aval du président de la République qui n’a pas dévié, jusqu’ici, de sa trajectoire de bonne gouvernance.
Secret défense, raison d’État ou nécessité du moment, quels que soient les dessous de cette mission, on entend bien qu’elle n’a été décidée qu’en l’intérêt supérieur de la Nation. S’il existe malheureusement des mauritaniens – de plus en plus nombreux, hélas ! – qui ne pensent qu’à l’argent et n’y repensent que lorsque cet argent ne finit pas dans leurs poches, qu’ils n’en tirent pas, eux, profit, il y en a d’autres qui se soucient plutôt de notre sécurité et de la sécurité de nos biens. Et leur mission est d’établir, pour tous les Mauritaniens et sur toute l’étendue du territoire national, un environnement de sécurité sans lequel aucun développement n’est possible.
Violences crescendo
Nouvelle forme de délocalisation des manifestations : 8 Février 2020, manifestations des dockers devant la Présidence. Août 2020, manifestations violentes à Chami où le poste de police est incendié. Juin 2020, première manifestation à Bassiknou, ville pourtant réputée pour son calme. Octobre 2020, manifestations des populations d’Atar pour réclamer l’eau et l’électricité. 28 Novembre 2020, des femmes habillées aux couleurs du drapeau national manifestent à Bababé pour réclamer justice envers les pendus d’Inal. 22 Février 2021, manifestation violente à Ferralah (département de M’Bagne) qui recevait pour la circonstance sa première dotation en bombes lacrymogènes. Dans un article que j’écrivis deux jours plus tard: « Point de mire : Tivirit odeur de poubelle, M’Bagne odeur de lacrymogène, Chami odeur de fumée… le fond sonore des revendications est-il orchestré ? », j’avais attiré l’attention sur ce qui pouvait être des essais à semer le désordre pour évaluer la capacité de riposte des autorités comptables de notre sécurité et de celle de nos biens.
Certains lecteurs m’en ont considéré comme une plume proche du pouvoir. Ce que je n’ai jamais été, ni au passé ni au présent et c’est peut-être pour cela qu’ils ne prirent pas au sérieux mes prédictions. La suite, vous la connaissez.25 Avril 2021, des manifestants exaspérés brûlent les locaux de la mairie de Bassiknou : une récidive. Tout comme à Chami le mois précédent. Juin 2021, de nouvelles manifestions à Bassiknou protestant contre l’insécurité. Fin Juin 2021, des manifestations accompagnées d’actes délibérés de sabotage causent des dégâts importants sur des édifices publics à Tintane. Vendredi 2 Juillet 2021, la ville de Kobenni est le théâtre de violences sans précédents et d’actes criminels touchant des édifices publics, comme à Chami et Bassiknou. Les 24 et 25 Septembre 2021, violents affrontements à Kaédi entre forces de l’ordre et des « sympathisants » du collectif « Touche pas à ma nationalité ». Et le 22 Septembre, la violence préméditée est montée en puissance à R’Kiz.
Ahmed ould Cheikh El Voulani, qui avait rendez-vous avec de tels actes dans cette localité, est arrêté. Des preuves montrent qu’il se trouvait au mauvais endroit et au mauvais moment. Arrêté, il va accuser la gendarmerie d’avoir exercé sur lui des tortures physiques à des endroits très sensibles. Révélations et accusations préméditées ? Impossible de savoir, même si Biram Dah Abeïd, leader de la Mouvance IRA – une formation née par césarienne, suite à un accouchement de violences verbales et physiques de militants formés à la riposte – avait évoqué « prématurément » ces actes de torture. Messaoud ould Boulkheïr, le sage timonier qui frappa du poing sur la table, il y a quelques mois, pour une autre raison, avait lui aussi mis en garde les autorités sécuritaires de ne pas « brûler le feu rouge » des droits humains. Le Parti Agir pour Vivre Ensemble par la Citoyenneté (AVEC) complétant la série des mises en garde dans un communiqué largement distribué. Peut-être que tous ces avertissements cachent quelque chose… Qui sait ?
En tous cas, une chose est sûre. Il est évident qu’on n’est plus, depuis quelques temps, au stade des rassemblements sur la place de la « Liberté » où des banderoles étaient exhibées dans le calme face au bureau d’Ould Ghazwani. On s’éloigne de ces revendications justifiées et pacifiques de pauvres citoyens qui réclament des droits, comme les compressés de l’ENER. On s’éloigne aussi des revendications légitimes des pauvres employés de Pizzorno qui attendent indéfiniment le règlement de leur problème. On est loin aussi des revendications apaisées des négro-mauritaniens compressés par leurs employeurs suite aux événements de 89, comme ceux de la SOMELEC qui courent toujours – depuis plus de douze ans ! – derrière le règlement des indemnités de leur licenciement.
Qu’on le veuille ou pas, qu’on le dise ou pas, qu’on regarde les problèmes de face ou pas, nous sommes confrontés à des situations qui dégénèrent chaque jour un peu plus. La Mauritanie n’a eu que ce qu’elle « s’est méritée » elle-même. Elle récolte les dividendes de l’incompétence et de l’irresponsabilité d’une administration grippée.
Des gouttes qui font déborder les vases les uns après les autres
Des gouttes qui pouvaient pourtant ne pas tomber. Je n’ai pas besoin de citer des exemples, c’est une réalité. Sinon, pourquoi la solution de certains problèmes liés à des droits dont devraient disposer tous les citoyens et dont ils ont tous besoin est gelée, pour certains d’entre nous, depuis huit à dix ans ? Sinon, comment expliquer qu’Ibrahima Moctar Sarr et Samba Thiam qui furent emprisonnés et torturés physiquement et moralement, et par ailleurs leaders politiques, se retrouvent face à une administration qui s’obstine à refuser de régler définitivement leurs problèmes, même après les promesses du chef de l’État ? Pourquoi deux mille infirmières libres courent derrière leur régularisation depuis quelques années ? Pourquoi un groupe de médecins-chômeurs manifeste sans arrêt pour l’organisation d’un concours généralisé auquel ils veulent prendre part ? Et pourquoi le conflit foncier entre les Ehel Bneïjara et les Oulad Melouk qui a pourtant fait l’objet d’un accord en Avril 2000 perdure-t-il ? Autant d’agissements qui ne contribuent absolument pas à la paix, à la concorde et à la cohésion sociale.
Même si les autorités évitent d’en parler, la Mauritanie est en guerre contre des prédateurs de toutes sortes, rescapés d’anciens régimes nostalgiques de la gabegie, protestataires qui « s’appuient » sur des violences rien que pour troubler l’ordre public, des fous qui dénigrent le pays depuis leurs refuges à l’extérieur, et des substituts qui profèrent des menaces d’autonomisation.
Le gouvernement d’Ould Bilal – un Premier ministre irréprochable, paraît-il – soutenu par un Président décrit comme un homme sincère dans sa volonté de donner à la Mauritanie le visage d’un pays où il fait bon vivre, doivent « agir ». Avec fermeté et détermination, sans peur et sans recul, pour que la Mauritanie prise au piège d’une toile d’araignée se libère. Elle n’y parviendra qu’en sortant des hésitations qui pénalisent toutes ses volontés de progrès. Le gouvernement, il faut oser le dire, est sous anesthésie administrative nationale, régionale et locale. Oud Bilal doit prendre sur lui le courage de secouer le cocotier, avant qu’il ne soit secoué, lui et son gouvernement, par des événements imprévisibles.
De son côté, Ould El Ghazwani doit, lui aussi, casser autant d’œufs qu’il faut pour réaliser les omelettes promises aux citoyens dans son discours d’investiture. Quand le citoyen mangera à sa faim, buvant de l’eau potable et fraîche, il n’y aura plus de « petits foyers allumés par des pyromanes » sans aucun sens du devoir civique. Qu’Ould Merzoug effectue sa tournée dans un jet loué à prix d’or ou qu’il se déplace sur un âne ou un chameau sans frais, comme le faisaient ses ancêtres, ce n’est pas le plus important. Le plus important est que, quel que soit le moyen de transport qu’il utilise, Ould Merzoug véhicule des messages forts pour un changement de mentalités de nos autorités locales qui oublient trop souvent que nous, les citoyens de ce pays, toutes couleurs et tendances confondues, formons la raison de la responsabilité qui leur est confiée.
Au moment où j’écris ces lignes, on a comme l’impression que toutes nos autorités, nationales, régionales et locales s’obstinent à refuser, depuis Ould Daddah à nos jours, de comprendre ce que signifie administration de proximité. C’est pourtant cette proximité le préalable à tout. Mais, aussi et surtout, c’est bien cette proximité qu’Ould Ghazwani nous a promis lors de son discours d’investiture et c’est bien d’elle dont il a parlé dans son livre vert de campagne que certains responsables semblent avoir malheureusement jeté aux toilettes ou oublié dans les tiroirs des bureaux de leurs fonctions pour lesquelles ils sont très bien payés… aux frais des contribuables que nous sommes.
Mohammed Chighali
Journaliste indépendant