Les gens du Fouta sont de tradition orale comme toutes les sociétés africaines, mais malgré cela, le récit de leurs événements passés avait été consigné par Siré-Abbas-Soh, un lettré arabe, dont les travaux ont été traduits par Maurice Delafosse, africaniste, ethnologue et administrateur colonial français, dans un ouvrage volumineux intitulé : Chroniques du Fouta Sénégalais.
Grâce à ce travail remarquable, il n’est plus permis de parler dans le vide et recoller des contrevérités pour réécrire l’Histoire.
Bref, ces chroniques nous apprennent qu’un prince égyptien de confession chrétienne fut le premier maître du Fouta Toro :
‘’Le premier prince qui régna sur le Fûta du Tôro, comme roi remarquable et connu, s'appelait Dya'ukka ou Dya'ôgo. Son origine (et Dieu le très haut le sait mieux que personne) provenait, dit-on, des Coptes d'Egypte ; ses ancêtres habitaient dans une localité du nord de la Syrie appelée 'Ukka : c'est là qu'il naquit et il régna sur cette localité pendant un certain temps dont Dieu le très haut connaît la durée mieux que personne’’. (P15).
On nous renseigne également dans ce même ouvrage sur Koli Tengella, le fondateur yéménite de la dynastie Tengella.
‘’Ensuite arriva Koli, fils du roi du Manden Sundyata fils de Mohammadu fils de Kinânata, d'origine himyarite; sa mère était Fûta-Gay fille de Sigâni-Makam {i). Son ancêtre Kinânata l’Himyarite était parti de l'Orient et venu dans le pays du Manden, accompagné de vingt mille guerriers; il y avait avec lui un homme appelé Mahama fils de Mahmûdu; ils se séparèrent l'un de l'autre au Dallol, où se fixa Mahama fils de Mahmûdu; quant à Kinânata, il poursuivit sa route vers le pays du Manden, accompagné du nombre précité de guerriers, se rendit maître du pays en question et y régna pendant quarante ans. Il fut remplacé par son fils Mohammadu, qui y régna pendant cinquante ans. Ensuite régna sur ce pays Sundyata, après des circonstances qu'il n'est pas utile de rapporter ; il demeura soixante-dix ans au pouvoir, et ce fut lui qui engendra Koli’’. (P 21-22).
Concernant l’introduction de la religion musulmane chez les princes peuls, ce fut l’œuvre d’un arabe et non Souleymane Bal, le guide spirituel de la Révolution des Marabouts toucouleurs contre les guerriers peuls ce 1776, Siré-Abbas-Soh, nous dit :
‘’Quant à la conversion de Sule-Ndyay « le jeune » entre les mains du cheikh Suleymàn-Bàl, c'est une pure invention qui n'a pas son équivalent dans ce qui est raconté à ce sujet par les chroniques : ce n'est pas lui, mais bien son homonyme Sule-Ndyày « l'aîné », qui fut le seul converti parmi les princes de la dynastie de Tengella ; il se convertit par la grâce de Dieu entre les mains d'un chérîf appelé ' Abdullâhi fils de Maghfiir, à la suite des circonstances suivantes. Le chérîf précité nourrissait Siré-Sule Ndyây, fils de ce prince, de la science de la royauté, lui apprenant par groupes de phrases ce qui ôte le pouvoir aux rois et ce qui le leur conserve et l'imbibant de cet enseignement phrase par phrase dans un pays du Sahel, ainsi que c'était jadis la coutume chez les princes de la dynastie de Tengella. Lorsque le chérîf précité arriva auprès de Sule- Ndyày « l'aîné » avec son fils précité Sirë-Sule-Ndyay, ils trouvèrent ce prince malade ; ensuite, quand il fut guéri grâce aux remèdes du chérîf précité, ce chérîf lui procura le repentir, assisté en cela par le fils de ce prince, Siré- Suie- Ndyây, et Sule-Ndyày « l'aîné » se convertit : que Dieu lui pardonne toutes les fautes qu'il commit durant son règne! Ceci a été retrouvé dans un récit de eliman' Lewa Haymût-Takko-Malik-Rasin. Que Dieu soit glorifié pour cela. (P35-36).
Ely Ould Sneiba