Si le patriotisme ne prend pas le dessus sur l’ethnocentrisme, la cohésion nationale mauritanienne sera compromise aussi longtemps que durera le nombrilisme communautaire tueur de l’esprit républicain, de l’espoir d’une Mauritanie intégrée et résolument tournée vers l’avenir.
Malheureusement détruire est beaucoup plus facile que construire. Et chaque composante nationale possède un potentiel maléfique redoutable, un démon à ne pas réveiller,
Alors, continuer à répéter « on est condamné à vivre ensemble » est un fatalisme contreproductif. C’est le pire des raisonnements politiques, car les exemples de déchirures interethniques ne manquent pas et des États avaient disparu en Afrique et ailleurs.
Enfin, où veulent-ils en venir, les Négro-communautaristes ?
Depuis la fin de la colonisation, les États n’épousent plus les contours de l’ethnographie africaine. Les pères fondateurs de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) avaient arrêté à cet effet un principe d’une considérable portée pour la paix et la stabilité des pays africains multiethniques. Ils avaient engagé les États membres à « ne pas changer les frontières, pourtant héritées de la colonisation. Cet impératif concerne d’une part, toute revendication territoriale venant d’un autre État, et, d’autre part, tout mouvement sécessionniste venant de l’intérieur de nature à mettre en cause les frontières issues des indépendances »
En tout cas, avant de forcer le destin, il serait bien de rappeler à ces militants de la race qu’ils n’offrent rien à leurs compatriotes maures que ces derniers ne leur offrent pas dans le cadre de la Mauritanie unifiée, et que la région de la vallée ne pourvoit rien en termes de richesses et de profondeur stratégique que le reste du territoire national ne pourvoit pas.
Et si c’est seulement pour fuir une hypothétique arabisation forcée, il serait également utile de leur dire que la création d’un État peul exclusif est refusée par tous les pays de la sous-région à commencer par le Sénégal et la Guinée, et que ce micro-État si, d’aventure, il venait à exister, il serait inévitablement francophone, parce que des États négro-africains plus anciens et plus puissants, berceau de la négritude, n’avaient pas pu franchir le Rubicon, préférant, au grand dam de l’égyptologue Cheikh Anta Diop et de tous les panafricanistes, adopter « des ancêtres gaulois ».
Il ne reste plus aux Négro-communautaristes que la question de la prépondérance des Maures. Eh bien ! Celle-ci n’est pas irréversible. Dans le cadre de la République, quand le communautarisme n’aura plus pignon sur rue, on pourra mettre en marche l’ascenseur national de manière positive, constructive et démocratique pour que le rapport de force interethnique, s’il le faut, change sur la durée, sans frottement et sans grincement.
Au demeurant, si l’on enterre le présent projet d’une République démocratique et sociale et à sa place le séparatisme est décidé, à l’amiable ou non : c’est-à-dire un pays pour les Arabo-Mauritaniens et un autre pour les Négro-Mauritaniens. Le premier sera viable, il a l’avantage de la cohésion linguistique et culturelle. Le deuxième ne résistera pas longtemps, il volera en éclats à cause du sectarisme ethnique. En effet, le terme générique « négro-mauritanien » cache une diversité culturelle antagonique ; les Wolofs et les Soninkés ne sont pas des Halpulaars, donc un autre démembrement se mettra en marche juste après l’euphorie de la dislocation.
En conclusion, il y a une règle presque universelle qu’il faut respecter : l’unité se fait autour d’une langue. Les Américains, les Chinois, les Russes, les Espagnols, les Sénégalais, les Maliens… tout le monde l’avait fait, pourquoi pas nous Mauritaniens, alors que l’arabe est la langue de notre religion commune !
Il faut dire que la coexistence a ses exigences raisonnables. Vivre ensemble oui, mais à condition de ne pas casser la baraque. Si on élève ses lubies au stade où les a hissés ce personnage simple d’esprit dont parle le proverbe maure ce n’est plus sérieux : il a exigé « qu’on l’embrasse sinon il devient une fille » !
Tiré de Mauritanie : vous avez dit vivre ensemble ?