Senalioune: -Depuis la période post-électorale, l’UFP vit dans un climat de malentendu. Pouvez-vous revenir sur la crise qui secoue le parti ?
Kadiata Malick Diallo: Le problème de l’UFP n’est pas seulement lié aux dernières élections. Donc on peut dire que c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Depuis quelques années l’UFP connaissait des contradictions assez profondes par rapport à sa ligne notamment ses lignes stratégique et tactique.
Parce que tout simplement l’UFP depuis qu’elle a été créé avait comme l’objectif stratégique de chercher à avoir le pouvoir par la voie des urnes, et ce qui passe par une accumulation des forces que nous avons suivi depuis notre existence, nous avons eu à progresser à chaque échéance électorale.
D’une mairie que nous avions, nous sommes allés jusqu’à une dizaine de mairies, de pratiquement zéro parlementaire, nous sommes arrivés à 9 parlementaires ou 10 même…Donc en partie, l’UFP s’est ancrée dans la société mauritanienne. Mais nous avons suivi à partir de 2011 des politiques qui rompaient avec cette ligne-là. D’abord par la recherche de faire partir le pouvoir par ce qu’on appelait le printemps arabe, mais les conditions n’étaient pas réunies pour la Mauritanie. Alors finalement nous avons pu dépasser cela par la ligne qui a été rectifiée par le congrès. Et en 2013 les gens avaient pris pour option cette ligne de dégager le pouvoir par la rue. N’ayant pas renoncés à cette idée ce qui a finalement conduit au boycott des élections de 2013. Ça a été d’ailleurs une politique désastreuse pour le parti, parce que tout simplement sa base ou ses bases ont fini par quitter le parti qui s’est beaucoup affaibli pendant cette période.
Ainsi, d’autres problèmes se sont succédés, par exemple, par rapport à l’obscurantisme religieux tel qu’il se développe dès fois, nous n’avons jamais pu être d’accord sur comment aborder cette question et sur comment nous positionner par rapport à cette question. Cela a occasionné en 2018 ce qu’on a appelé la crise des jeunes qui ont eu à faire une déclaration qui contredisait une prise de position du président et là c’est ce qui nous a surtout opposé au président et ceux qui le soutenaient.
Ce sont des jeunes qui peuvent avoir commis une faute organisationnelle et qu’il fallait tout simplement corriger par la critique et l’autocritique. Mais eux, tenaient à ce que ces jeunes soient sanctionnés. Cela était une crise très profonde au niveau du parti. Nous avons montré que dans nos traditions c’est seulement la critique et l’autocritique qui nous permettaient d’avancer et de corriger nos erreurs.
En 2019, il y a eu la candidature de Mohamed Ould Mouloud, président du parti, qui à nos yeux ne se justifié pas, compte tenu de nos conditions propres et de nos conditions dans lesquelles devraient se dérouler les élections présidentielles et nous savions que nous allions vers un échec. Mais le président et ceux qui l’ont soutenu ont tenus à ce qu’il soit candidat. Et lorsqu’il y a eu l’élection nous avons eu un résultat qui est vraiment catastrophique et nous avons pensé que là c’était une manifestation concrète de l’état de délabrement du parti. C’est-à-dire un parti qui pratiquement n’avait plus d’électorat, n’avait plus de base. Et donc il fallait se remettre en cause. Quand on échoue de manière successive, on doit bien savoir les raisons et tirer les conséquences de cela. Or le président et ceux qui le soutiennent n’acceptent pas que nous avons subi des revers et qu’il fallait savoir les causes et chercher des solutions.
-Et que faut-il faire pour un dénouement de la crise au sein de le l’UFP ?
Kadiata Malick Diallo: Ce que je peux dire c’est que le président et ceux qui le soutiennent ne sont pas allés dans la bonne direction. Parce que leur solution c’est la sanction. Or, même pour les pouvoirs despotiques, cela n’a jamais été une solution que de réprimer ses adversaires, à plus forte raison un parti d’opposition qui cherche à régler ses problèmes par la répression. Ce que nous cherchons nous c’est de montrer que l’UFP qui était un parti assez solide et assez ancré est aujourd’hui un parti qui est devenu extrêmement faible, par les politiques aventuristes. Et ce que nous demandons c’est qu’on se rende compte de cela, qu’on l’accepte comme fait afin que les responsabilités puissent être situées pour enfin corriger la ligne du parti et revenir sur le droit chemin.
-Parler nous s’il vous plait des raisons réelles de vos sanctions
Kadiata Malick Diallo: Ce que eux, ils avancent comme raisons ne sont pas pour moi, des raisons justifiés. Parce que pour eux, nous nous sommes exprimés en dehors du parti et que nous menons une campagne contre le parti et que nous dénigrons les dirigeants du parti.
En gros ils parlent de mesures organisationnelles du parti, c’est-à-dire qu’il y a un manquement aux règles, alors que nous, nous posons des problèmes politiques. Premièrement, les problèmes politiques ne peuvent pas être réglés par des questions organisationnelles.
Deuxièmement, à supposer que ce qu’ils disent est vrai, que nous nous sommes exprimés en dehors du parti. Mais cela a toujours été le cas. Cela dit, nous nous sommes toujours exprimés en réaction à d’autres expressions. Parce que quand j’ai déclaré que la candidature de Ould Mouloud était suicidaire, c’est que d’autres qui étaient les tenants de sa candidature sans que le parti ne prenne encore sa décision, se sont lancés dans tous les réseaux sociaux pour justifier sa candidature afin de montrer qu’elle était opportune. Alors que nous étions dans un débat interne, les deux points de vue existaient et se combattaient. Et Chacun cherchait à ce que son point de vue puisse remporter. Si ceux qui le soutiennent peuvent non seulement s’exprimer mais aussi prendre des dispositions organisationnelles pour la campagne alors que le parti n’avait pas encore pris de décision finale. Alors moi j’ai senti qu’il s’agissait là, de rendre public les opinions et j’ai rendu aussi la mienne. Donc je n’ai fais que réagir par rapport à cela.
Et ce n’est pas la seule fois où on réagit dans le parti de la sorte. Après le résultat des élections, le président lui-même sans jamais se référer à nous pendant une dizaine de jours, est allé faire son évaluation propre de la situation des résultats de cette élection, et pris des mesures d’action pratiques et les a mises en œuvre à notre insu.
-Certains de vos camarades ont publié une pétition sur le désaccord de votre suspension, conspirent-ils une succion du parti ?
Kadiata Malick Diallo: Non, c’est une prise de position des militants qui considèrent que c’est injuste et pensent que cela n’est de nature à régler les problèmes.
–Certains jeunes membres de l’UFP disent être exclu à des réunions du parti. Qu’en pensez-vous de cette déclaration ?
Kadiata Malick Diallo: Ces jeunes qui protestent contre leur exclusion, sont les mêmes jeunes qu’on avait voulus sanctionné. Donc ils sont toujours sous la coupe de la sanction, depuis maintenant deux ou même trois ans qu’on cherche à les sanctionner. Comme les gens considèrent qu’ils ne sont d’accord avec l’opinion du président, alors il faut les exclure.
-Pensez-vous qu’un vrai congrès de l’UPF aura lieu ?
Kadiata Malick Diallo: Ça fait partie des problèmes. Juste après les élections passées, avec ce résultat, au lieu de voir la situation réelle que vit le parti, on veut s’engager et c’est toujours dans la fuite en avant dans l’organisation d’un congrès. Alors que ce congrès devrait avoir lieu depuis 2017. Mais avec les contingents politiques, on n’a pas pu le faire.
Ce n’est pas en ce moment précis, où nous connaissons énormément de problèmes couronnés d’échec, que nous allons engager une campagne d’implantation et surtout dire qu’en trois mois on va organiser un congrès, alors que de toute l’histoire de l’UFP et même avant l’UFP pendant des décennies, nous n’avons jamais pu engager une campagne d’implantation et tenir un congrès en moins de deux ans. Dire qu’on va le faire dans la précipitation, autrement dit dans trois mois, c’est pour tout simplement que cette direction qui considère qu’elle a une majorité puisse gérer de bout à bout ce congrès et aussi nous divertir par rapport à la situation réelle.
-Une partie de l’opposition se rapproche du dialogue politique. Presque tous les candidats malheureux de la dernière présidentielle, se sont dits prêts à participer aux concertations. Quelle analyse faites-vous de ces manœuvres politiciennes ?
Kadiata Malick Diallo: Le dialogue est toujours une vertu. Mais pour un dialogue entre les adversaires politiques, il y a toujours une question de rapport de force. Ou alors, il y a une volonté de la part de ceux qui exercent le pouvoir, de pouvoir traiter des questions fondamentales avec l’opposition, et donc qui concernerait toute la nation. Il y a des questions fondamentales pour lesquelles, quelqu’un qui a le pouvoir s’il veut bien faire il peut se concerter avec tous les acteurs concernés pour trouver une meilleure solution. Mais celui qui a le pouvoir, a la gestion du pouvoir, celui qui à l’opposition, même s’il peut demander le dialogue, il doit chercher d’abord à avoir un rapport de force qui lui permet d’imposer à son adversaire la nécessité d’un dialogue.
-Pensez-vous qu’il y aura réellement un dialogue ouvert et constructif dans l’intérêt supérieur de la nation ?
Kadiata Malick Diallo: Ce que j’ai appris d’après les contacts des différents candidats ou même des chefs des partis qui ont eu des entretiens avec le président Ghazouani, c’est que lui-même aurait déclaré qu’il n’est pas intéressé par un dialogue politique.
Maintenant, si le président, lui-même, appel à des concertations sur des questions fondamentales c’est bien. Parce que je sais qu’il y a bien des questions qui méritent un dialogue national et sans lequel, il sera difficile de sortir de la situation.
-Quelles sont vos relations avec les autres partis de l’opposition tels que l’IRA et la Coalition vivre ensemble ?
Kadiata Malick Diallo: Personnellement je peux dire que pour l’instant, je considère tout simplement que nous sommes dans le même cas. Et l’opposition, il y a certains qui sont des parlementaires comme moi avec lesquels, on peut se concerter, et on définit ensemble des questions d’ordre national. Et les autres aussi, je les sens toujours dans le cas de l’opposition, donc normalement nos efforts doivent converger. Mais j’avoue que jusque-là il n’ y a eu pas de concertation entre eux et moi.
–En tant qu’une politicienne de grande taille, pensez-vous un jour à créer un parti politique ?
Kadiata Malick Diallo: Pour moi un parti politique c’est un outil, on le crée quand il y a l’opportunité. Pour le moment nous avons des divergences très profondes au sein de l’UFP, nous avons notre perception. Mais de toutes les façons pour moi un parti n’est pas un fétiche, c’est un instrument.
–Pourquoi en Mauritanie, presque tous les partis politiques ne sont dirigés que par des hommes ?
Kadiata Malick Diallo: Pour moi les mauritaniens n’ont pas la culture encore de parti politique réellement. Ceux qui sont avec les partis au pouvoir ou principal parti au pouvoir sont les gens qui sont plus animés par des intérêts personnels. Parce que quand on voit réellement, ce sont des gens qui n’ont pas forcément quelque chose en partage, mais des intérêts en partage. Pour les autres, il y a effectivement des partis, mais on ne sent pas que les mauritaniens croient réellement aux partis. Ils peuvent participer aux élections. Mais l’histoire des partis n’est encore pas ancrée.
Il s’agit dans cela aussi la place de la femme dans la société telle qu’elle est vue. Donc, il y a encore très peu de femmes pouvant se hasarder, parce qu’il ne s’agit pas de chercher à créer un parti juste par la forme, mais c’est plutôt créer un parti qui soit crédible et qui puisse être sur la scène et compatir. Donc toutes ces choses-là retiennent encore les partis. Mais les pesanteurs sont encore là.
Propos recueillis par Diary N’Diaye Ba