C’est l’État unitaire ou chaos

En fait, la Mauritanie partie intégrante du Maroc n’aurait pas permis aux communautaristes poulo-toucouleurs de formuler l’exigence d’un État binational, c’est-à-dire biracial pour lequel deux nationalités seraient définies constitutionnellement. Les Négro-Mauritaniens étant déjà minoritaires par rapport aux Arabo-Mauritaniens, au sein du « Grand Maroc », leur poids démocratique serait négligeable et le Makhzen ne leur serait pas malléable à souhait. C’est pourquoi, ils tenaient à l’indépendance de la Mauritanie sans toutefois accepter l’idée d’un corps national intégré qui représenterait à leurs yeux une pure assimilation, à la place de laquelle, ils voudraient instaurer un communautarisme racial plus adéquat et plus conforme à leur philosophie ethnocentrique.

Sans tarder, les craintes que les partisans du bi-nationalisme avaient émises lors du Congrès d’Aleg parlant de garanties constitutionnelles comme gage de leur participation à l’édification du futur État, seront remises sur la table, juste après les premières années de l’indépendance nationale.

Dans ce cadre, le raisonnement des représentants de la communauté noire est le suivant : « ils disaient que si la règle démocratique, selon laquelle la majorité numérique impose sa loi à la minorité, était appliquée…la majorité maure pourrait, dans certains domaines importants, imposer des mesures qui lèseraient la minorité noire », d’où l’exigence d’un État binational sous une forme fédérale comme garde-fou, et dans ce cas « la constitution devrait prévoir l’institution d’une vice-présidence de la République, dont le titulaire serait un compatriote du fleuve ayant des pouvoirs réels ; de la sorte l’exécutif serait bicéphale » mais aussi biracial.

En 1962, la proposition suivante de révision de la constitution parvenait au président de la République « par un groupe de Noirs influents et qui délimite pour la première fois sur la carte, d’une manière précise, les zones d’influence des deux ethnies, maure et noire ».

– PREAMBULE –

Confiant dans toute la patience de Dieu, le peuple mauritanien réparti entre deux provinces habitées par des ethnies maures et noires tous musulmans, proclame sa volonté de s’unir pour sauvegarder l’intégrité de son territoire et de faire respecter les garanties intangibles :

– des libertés politiques ;

– des libertés syndicales ;

– des droits et libertés de la personne humaine, de la famille et des collectivités locales ;

– des libertés philosophiques et religieuses ;

– du droit de propriété individuelle et collective ;

– des droits économiques et sociaux ;

– des droits des provinces fédérées.

Le peuple mauritanien proclame solennellement son Indépendance et son attachement aux droits fondamentaux tels qu’ils sont définis dans la déclaration des droits de l’homme et de citoyen de 1789 et dans la déclaration Universelle du 10 décembre 1848 (sic : il faut lire 1948)

 

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TITRE PREMIER

ARTICLE 1er – La République Islamique de Mauritanie est un Etat fédéral, républicain, démocratique et social, composé de deux Provinces définies par leurs structures ethniques et géographiques :

– La Province du Sud comprenant :

La subdivision de ROSSO, la subdivision de BOGHE, le cercle du GORGOL, la subdivision de M’BOUT, la subdivision de KANKOSSA et le cercle du GUIDIMAKA.

– la province du Nord comprenant :

Les cercles de la Baie du LEVRIER, de l’ADRAR, du TIRIS-ZEMMOUR, de l’INCHIRI, les subdivisions de NOUAKCHOTT BOUTILIMIT, MEDERDRA, ALEG, le cercle du TAGANT, la subdivision de KIFFA et les cercles des HODH Occidental et Oriental.

ARTICLE 2 : Ces deux Provinces, dans une coexistence librement consentie, mettent en commun leurs ressources et leurs efforts pour former l’Etat fédéral de la République Islamique de Mauritanie

ARTICLE 4 : Les langues Nationales sont les dialectes locaux Hassaniya, Poular, Soninke, Oualoff, et Bambara, la langue officielle est le Français.

ARTICLE – Les institutions de l’Etat Fédéral sont :

– le Président de la République,

– le Vice-Président de la République,

– l’Assemblée Nationale,

– l’autorité judiciaire.

Il ressort du projet de révision constitutionnelle ci-dessus une volonté manifeste de mettre en échec l’État unitaire, instaurer à sa place un État fédéral et évincer la langue arabe qui sera remplacée par la langue française.

Et là, il convient de rappeler que le système fédéral qui a la faveur des cadres de la vallée requiert des conditions qui n’ont pas été remplies à l’époque et encore moins aujourd’hui.

Le fédéralisme se définit comme « une forme d’État souverain dans lequel des entités territoriales, appelées États fédérés, disposent d’une large autonomie et d’une organisation étatique complète respectant le principe du partage des pouvoirs avec le niveau fédéral. » Or, il n’y avait pas d’État en Mauritanie, ni au Sud ni au Nord du pays.

En outre, la mise en œuvre d’un tel système soulèvera d’épineuses questions :

Où va-t-on placer « le district de Washington », en territoire maure ou en territoire noir ? Qui présidera la Fédération, un Noir ou un Maure ? Et quelle langue officielle fédérant les États ? Ça sera le même blocage comme celui d’avant.

Si au moins les Négro-Mauritaniens étaient restés dans leur pays, le Fouta, pour le tirer du sous-développement, promouvoir leurs propres langues et ériger une société non féodale, démocratique et égalitaire, comme les Catalans, par exemple, leurs revendications seraient compréhensibles.

Les Catalans qui militent pour l’indépendance de la Catalogne après avoir obtenu l’autonomie de leur région, sont sur place. Ils ne vivent ni en Europe ni dans le reste de l’Espagne mais en territoire catalan qu’ils n’ont jamais quitté. Les Indépendantistes de la Catalogne sont cohérents avec eux-mêmes et avec leurs compatriotes ; le pouvoir, les richesses naturelles espagnoles ne les intéressent pas, ils veulent plutôt échapper à l’intégration au sein du Royaume uni d’Espagne afin de conserver leur spécificité linguistique et culturelle, persuadés qu’ils ne pouvaient pas adapter l’Espagne à la Catalogne, à leur ethnocentrisme.

En revanche, les Négro-communautaristes foutanqués feignent d’ignorer qu’ils avaient quitté leur Fouta natal en masse pour aller coexister avec leurs compatriotes arabes dans le cadre d’un nouveau pays hérité de la colonisation.

Abandonner ses terres pour faire la loi ailleurs, tailler un pays sur mesure est un illogisme. Celui qui tient à sa spécificité doit accepter celles des autres et dans ce cas l’arbitrage est naturel, il obéit à la règle du rapport de force initial entre le centre et la périphérie. En France, le Navarre n’est pas le centre, en Grande-Bretagne, le pays de Galles n’est pas le centre et au Mali Tombouctou n’est pas le centre ; la minorité c’est la minorité et la majorité c’est la majorité, etc.

 

Extrait de ‘’Mauritanie : vous avez dit vivre ensemble ?’’.

ثلاثاء, 17/11/2020 - 12:55