En porte-à-faux avec les Nationalistes négro-africains, ceux de la Mauritanie se battent depuis l’indépendance de leur pays pour imposer le contraire de la clairvoyance de Nyerere, c’est-à-dire qu’ils veulent l’institution d’une exception mauritanienne : la bantoustanisation linguistique. L’uniformité et l’homogénéité étant contraires à leurs objectifs ethniques, ils invoquent le principe du respect de la diversité culturelle et condamnent leur communauté nationale au cloisonnement sous-tendu par un pluralisme linguistique sourd-muet.
Pour une exception c’en est une, au Sénégal voisin le nombre de langues nationales fait cinq ou six fois celui de la Mauritanie, et avec autant de diversité, le peuple sénégalais se comprend, sans complexe et sans heurt, dans une seule langue nationale commune qui est le wolof. Et aucun citoyen de ce pays, fût-il d’origine arabe, mauritanienne, libanaise ou marocaine ne peut penser transgresser cette loi.
Il faut vraiment être communautariste têtu pour ne pas se plier à cette règle.
Au cours de la dernière campagne présidentielle de 2019, les Mauritaniens ont pu voir les cadres politiques peuls et toucouleurs battre campagne dans la vallée en s’exprimant en wolof. Le Président Macky Sall, lui-même, toucouleur d’origine, n’a pas dérogé à la règle, et en général, quand il s’adresse à son peuple, il le fait en wolof. Mieux, au parlement, la représentation nationale du peuple multiethnique et multiculturel sénégalais, il est impossible de voir un député casqué ou une voix discordante exigeant l’interprétation.
Par contre, de ce côté du fleuve, la majorité des cadres du Sud se dit exclue dès que leurs compatriotes du Nord s’expriment en arabe ou même en hassanya populaire.
Sans traduction dans chaque administration, à chaque réunion ou meeting, à tous les niveaux, c’est le dialogue des sourds. Le Parlement et le Conseil des ministres ne sont pas épargnés, non plus ; en effet les députés de la vallée, à quelques rares exceptions, sont munis de casques de traduction simultanée et les ministres de la même région ont toujours, c’est la règle, une version en français des communications à passer au Conseil des ministres ; sur les plateaux de télévision, les cadres et les hommes politiques du Sud s’expriment le plus souvent en français…
Il s’ensuit que celui qui demande la traduction de simples propos politiques demandera aussi à ce que les sermons du vendredi qui sont dits en Arabe lui soient traduits, logiquement.
Bizarrement, le Négro-ethniciste à « l’oreille blanche » feint toujours d’ignorer l’arabe littéral ou populaire. L’incident ci-après en est la preuve :
Un jour, un cadre politique de haut rang ressortissant de la vallée partit faire le pèlerinage à la Mecque. Ce dirigeant a toujours revendiqué ne rien comprendre au parler hassani et exigeait la traduction. Un de ses collègues, un Maure, avait lui aussi, décidé d’accomplir son hadj. Arrivé le dernier aux lieux saints, le Maure surprit son compatriote noir en pleine conversation avec des Marocains, engagée en arabe populaire !
Le cas de l’UFP :
Ils étaient des jeunes cadres nationalistes arabes, avec eux d’autres Nationalistes noirs et quelques gauchistes ; ensemble ils avaient fondé le Mouvement National Démocratique, devenu avec la démocratisation un parti politique dénommé : Union des Forces de Progrès (UFP). Ces hommes et ces femmes patriotes ambitionnaient de mettre leur société en mouvement et en ordre serré.
Aujourd’hui, après plus de quarante ans de lutte commune et de vie politique commune, les cadres et militants de l’UFP ne se comprennent toujours qu’à travers la traduction. Aucun segment ethnique de ce parti n’est prêt à faire des concessions et développer avec les autres militants une langue de communication commune, à eux d’abord, pour servir ensuite de ciment à leur peuple multilingue. De la sorte, l’UFP est devenue une école de traduction grandeur nature, convaincue que la confusion linguistique est une vertu nationale !
Et si les Maures refusaient de jouer « les nègres de service », arrêtaient de traduire de l’arabe vers le français et du français vers l’arabe, quelle communication possible entre Mauritaniens ?
La traduction est inappropriée dans la vie d’une Nation, entre elle et les autres, c’est oui, mais entre ses propres composantes sociales, c’est un échec d’intégration fatal.
Extrait de Mauritanie : vous avez dit vivre ensemble ?