De nombreux compatriotes se battent pour le triomphe de la langue française, pour la francophonie et pour la grandeur de la France comme l’avait fait le général De Gaulle, un chantre hors catégorie du nationalisme français. D’autres concitoyens beaucoup plus nombreux ont la négritude comme idéologie politique, la ‘’négrophonie’’ n’existant pas, ils font comme les premiers et défendent la langue française avec fierté et dévouement comme le président Senghor l’avait fait. Un autre segment intellectuel et politique de notre pays fait de la défense de langue arabe et de son arabité une cause sacrée, exactement comme Nasser et Saddam l’avaient fait.
Tout ce beau monde est par définition ténor d’un certain nationalisme aux relents chauvins et racistes d’après les uns quand ils parlent des autres et vis versa. Alors si l’idéologie nationaliste est mauvaise, cette qualification doit s’appliquer équitablement, de manière impartiale et non tendancieuse.
Pour ce qui est du rapport d’une certaine élite beïdane à la langue française, minoritaire du reste, je rappelle aux uns et aux autres la position mitigée des francophones maures, non francophiles à l’aveuglement :
‘’ Les Maures sont des férus de la langue française, savante, belle et raffinée. Ils comptent de nombreux écrivains dont certains sont récipiendaires de prix francophones internationaux. Sauf que, quand le français est utilisé contre eux comme arme de lutte politico-linguistique et quand on lui fait revêtir, maladroitement, la tenue de combat pour abattre leur langue, leur attitude change, ils refusent l’amalgame, et ils prennent la langue française pour ce qu’elle est, une source de discorde et un instrument pour exclure les Arabisants, voire un moyen de domination entre les mains de la minorité négro-mauritanienne au détriment de la majorité arabo-mauritanienne’’.
Et pour illustrer l’instrumentalisation de l’usage forcé du français par nos pays africains, en voici une historiette de Juha, un personnage mythique bien connu dans la société arabe et en particulier chez les enfants :
‘’On raconte que Juha avait vendu un squat à un acquéreur de bonne foi, un homme serviable et peu prévenant, et qu’il lui avait posé comme condition de laisser la patère en fer qui lui servait de portemanteau à sa place, bien chevillée dans le mur central du salon. Marché conclu. Juha est libre donc de se servir de ce clou piège à cons. Une première fois, le vendeur roublard passe à son ancien domaine et y accroche, à l’endroit réservé, un morceau de viande faisandée. Le patron des lieux résiste. Une deuxième fois, c’est du poisson pourri, pas de réaction outre mesure non plus. Et la troisième fut la der des ders : un cadavre de chien. L’homme piégé n’a plus le choix, « pacta sunt servenda », il baisse les bras et abandonne sa demeure devenue intenable.
Toute proportion gardée, Juha c’est la France, l’acquéreur naïf c’est nos pères fondateurs et son clou c’est la langue française’’.
Enfin, il est inutile de tourner en rond, l’institution d’une langue commune est le passage obligé pour tout peuple multiethnique voulant sceller son unité. Les peules d’Amérique, de Chine, de la Fédération russe, du Sénégal, et du Mali l’avaient fait, pourquoi la Mauritanie, notre chère patrie, serait-elle condamnée à constituer une des rares exceptions, alors que l’arabe est la langue liturgique musulmane par excellence ?
Aussi, ‘’la coexistence a ses exigences raisonnables. Vivre ensemble oui, mais à condition de ne pas casser la baraque. Si on élève ses lubies au stade où les a hissés ce personnage simple d’esprit dont parle le proverbe maure ce n’est plus sérieux : il a exigé « qu’on l’embrasse sinon il devient une fille »’’ !
Ély Ould Sneiba