On ne le dira jamais assez. Les Maures, qui avaient fondé la Mauritanie moderne après avoir combattu la colonisation française et réussi à s'échapper des mains des Arabes, ne pensaient pas qu'ils seraient un jour obligés de la partager avec des Négro-Africains. Cet état d'esprit est toujours le leur, même si l'idée d'un État binational avait été vite brandie par les nationalistes poulo-toucouleurs, sans qu'aucune réponse favorable ne soit donnée aux garanties constitutionnelles qu'ils avaient demandées pour défendre leur négritude. Tout comme d'ailleurs le projet fédéraliste qu'ils avaient présenté, que le président Mokhtar avait rejeté catégoriquement.
Après cette période de revendication à caractère racial, toutes les difficultés rencontrées sont dues à cette frustration. C'est ainsi que les nationalistes pulaars utiliseront la question linguistique, le mépris de la diversité et le racisme d'État comme arguments à charge contre le système de gouvernement beïdane. Plus tard, ils ajouteront la question de l’esclavage.
Il s'agit d'une crise raciale qui persiste depuis longtemps et qui n'est pas simple à éradiquer, tout comme le serpent à sept têtes ou l'hydre du racisme.
Donc, que faut-il encore pour que les Maures comprennent que les ethnies noires ne s'intègreront jamais dans un Étatarabe, et qu'elles ne toléreront jamais que la langue arabe leur soit imposée ?
En effet, les ingénieurs de la discorde nationale examinent régulièrement les nominations au Conseil de ministres pour dénoncer l'exclusion des Noirs, lorsqu'ils ne sont pas en nombre suffisant, c'est-à-dire de manière millimétrée, moitié-moitié, et les députés noir-mauritaniens font toujours recours aux interprètes pour comprendre et se faire comprendre.
Alors, comment peut-on éviter que ce mariage de raison, que les FLAM et consorts jugent frustrant, ne se termine en queue de poisson ?
Faut-il permettre à chaque ethnie d'officialiser sa langue et de travailler avec ?
C’est une absurdité que les pays de la sous-région évitent de commettre.
Peut-on fractionner l'identité et la souveraineté nationales en quatre et inclure dans la loi fondamentale que la Mauritanie appartient aux ethnies peule, soninké, wolof et arabe ?
On appelle ce schéma le confessionnalisme ethnique institutionnalisé.
Pourtant, en se rassemblant dans un seul pays avec les Marocains, les Maures garderaient leur langue et leur identité arabes, et surtout leur souveraineté sur leur territoire ne serait réduite que de moitié.
Enfin, le président Mokhtar était-il semblable à monsieur Gribouille qui a sauté dans la rivière pour éviter d'être mouillé par la pluie ?
De toute façon, l'unité des Mauritaniens n'est pas au beau fixe, et l'espoir d'une intégration nationale qui éradiquerait l'ethnicisme et le communautarisme racial ne se manifeste guère.
Ely Ould Sneiba
Le 9 février 2025