La Mauritanie s'apprête à établir un partenariat stratégique avec l'Union européenne en matière de migration, une initiative marquée par la signature d'une déclaration conjointe. Cette perspective suscite une vive polémique au sein de la société mauritanienne, certains y voyant des mesures préoccupantes.
Il est important de préciser que la Commission Nationale des Droits de l'Homme, en tant que conseillère du gouvernement sur les questions de droits humains, n'a pas été consultée sur cet accord. Cependant, je souhaite apporter ma contribution au débat en évoquant plusieurs points clés.
La signature d'accords de partenariat avec des pays tiers n'est pas une nouveauté pour l'Union européenne. Les pays européens ont rapidement saisi l'importance de ne pas affronter seuls des défis tels que la migration; ils ont reconnu la nécessité d'unir leurs forces avec celles des pays de transit ou de destination. Ces derniers, soucieux eux même de protéger leurs frontières et conscients de leur rôle et impact dans la gestion migratoire, ont activement sollicité un partenariat ainsi qu'un soutien de l'Union européenne. Leur objectif est de protéger leurs frontières et de s'attaquer aux racines du problème en améliorant leurs capacités et ressources pour contrôler efficacement les itinéraires migratoires. Ceci inclut la gestion de l'immigration irrégulière et la lutte contre les réseaux de trafiquants d'êtres humains et de passeurs. Par ailleurs, ces accords visent, en général, à stimuler le développement dans les pays partenaires, notamment à travers la création d'opportunités pour les jeunes. Ces partenariats, qualifiés de bénéfiques pour toutes les parties concernées, incarnent une stratégie "gagnant-gagnant" où chaque acteur trouve son intérêt.
Les accords impliquent des négociations approfondies, où chaque partie défend ses intérêts et ses prérogatives. Sans doute le gouvernement mauritanien a abordé ces négociations avec une pleine conscience des bénéfices potentiels et des défis associés, affirmant ainsi son engagement envers l'intérêt national et faisant en sorte qu’il tire le maximum de bénéfices de l’accord dans l’intérêt du pays sans l’exposer aux risques de devenir le pays d’accueil de tous les migrants.
Nous n’avons, à priori, aucune raison d’en douter.
Simplification excessive
Que l’opinion publique considère que les accords sont en soi une mauvaise chose sans tenir compte du contexte, des intentions et des résultats spécifiques est effectivement une simplification excessive. Les accords ont pour objectif de formaliser des engagements entre parties pour atteindre des buts communs.
Le succès ou l'échec d'un accord dépend de nombreux facteurs, tels que l'équilibre des bénéfices d’où une analyse approfondie des spécificités de chaque accord, de ses objectifs, de sa mise en œuvre et de ses résultats.
Par conséquent il faut connaître ces éléments pour juger de la valeur de l’accord, or je doute fort que les détracteurs de cet accord aient tous les éléments pour analyser objectivement.
La critique de l'accord par certains acteurs semble donc se faire sur des bases fragiles, principalement en raison d'un manque de connaissance approfondie de son contenu et de ses détails spécifiques.
Cette tendance à juger sans une compréhension complète des faits soulève des questions sur la validité de ces critiques, suggérant que celles-ci pourraient être infondées.
En effet, en l’absence d’informations fiables il est normal que les avis aillent dans tous les sens car l'État, de son côté, n'a pas pleinement assumé son rôle en matière de communication et d’information sur cet accord. L'absence d'une stratégie de communication claire et détaillée a contribué à un environnement où l'information est soit mal interprétée, soit inaccessible. En ne communiquant pas efficacement sur les enjeux et les détails de l'accord, l'État a manqué à son devoir de transparence, laissant ainsi place à la spéculation et au malentendu.
En conclusion, tant les critiques infondées de l'accord que le manque de communication de l'État sur le sujet reflètent des manquements qui doivent être adressés pour permettre une appréciation juste et éclairée de l'accord en question
Maître Ahmed Salem Bouhoubeyni
Président de la Commission Nationale des Droits de l'Homme