l est revenu. Il nous manquait pourtant si peu. Ould Abdel Aziz a préféré écourter son exil volontaire pour replonger dans la mare aux caïmans. Personne n’imaginait cependant qu’il allait tomber aussi bas. On le savait contraint de céder le pouvoir contre son gré, aigri, revanchard et rancunier. Mais on pensait qu’il avait un minimum de discernement pour ne pas tenter le diable. Persuadé que l’UPR était encore « son » parti et que ceux qui l’imploraient, hier, de tenter l’impossible troisième mandat ne le laisseraient jamais tomber, il fait son come-back. Non sans fracas, comme à son habitude !
Première victime à sa descente d’avion : un steward de la MAI qui lui demande une photo – acceptée d’abord de bon cœur avant de se voir qualifiée de « faute grave » – est licencié sans droits. Trois jours plus tard, il convoque une réunion du comité provisoire chargé de gérer l’UPR en attendant la mise en place de ses instances. Et de taper du poing sur la table : « Le parti, c’est moi et ceux qui veulent avoir le leur n’ont qu’à s’en fonder un ! ».
Net et sans bavures. Allusion à ceux qui ont vendu, selon lui, un peu tôt la peau de l’ours. L’opinion publique est abasourdie. Alors qu’elle pensait la page Aziz tournée définitivementet sans regrets, le voilà, tel le phénix, à renaître de ses cendres ! Et si tout ce qu’on disait sur sa volonté de prendre les rênes de « son » parti et diriger « sa » majorité était avéré ? On le savait teigneux mais de là à aller jusqu’à se faire ainsi harakiri ! Le lendemain, branlebas de combat dans les rangs de la majorité.
Ould Ghazwani, qui a toujours refusé la confrontation avec son ami de quarante ans, lance une foudroyante contre-attaque. Les associations de maires, les députés, les présidents des conseils régionaux et, enfin, les secrétaires fédéraux du parti se réunissent et affirment que « le président Mohamed ould Ghazwani est la référence exclusive » de leur parti. Sans se montrer aux premières loges ni tirer une seule balle, le « marabout » occupe la scène, coupant l’herbe sous les pieds de son prédécesseur qui se retrouve du coup tout nu. Et aura tout le temps de méditer le sort que lui ont réservé ceux-là mêmes qui, hier, l’applaudissaient à tout rompre. Comme ils l’ont toujours fait pour tout celui qui occupe le palais de la Présidence… juste le temps qu’il l’occupe. Les députés qu’il avait cooptés un à un et pour lesquels il était descendu sur le terrain, croyant sans doute qu’il récolterait une majorité sur laquelle il pourrait toujours compter, ont été les premiers à le lâcher.
Comme certains d’entre eux s’y étaient employés, sous son impulsion, contre Sidioca, formant ce qu’on appelait à l’époque le bataillon des frondeurs. Les voilà qui récidivent ! La trahison est bel et bien une arme à double tranchant : qui a tué par l’épée périra par l’épée. Maintenant que les carottes sont cuites, de quelle marge de manœuvres dispose encore l’invétéré putschiste ? Continuera-t-il à « taquiner » son ami ? Quand se rendra-t-il compte que la roue tourne et qu’il faut se rendre à l’évidence ? Jamais dans l’histoire de notre pays, un homme n’aura fait autant de bruit (de casseroles) au pouvoir… et après l’avoir quitté. Mais ce coup (comme celui des sénateurs en son temps) risque fort de le déboussoler un bon bout de temps. KO debout ? En forme interrogative, le constat reconnaît au coléreux une capacité de nuisance encore à l’affût de la moindre opportunité. Restons vigilants !
Ahmed Ould Cheikh