NE PAS CONFONDRE «DÉBAT PUBLIC» ET «PROCESSUS JUDICIAIRE»!

Aujourd’hui, un malentendu fait rage entre le Club des Magistrats Mauritaniens et un député de l’Assemblé Nationale, suite à des remarques que celui-ci aurai fait, lesquelles furent jugées outrageantes par le Club!

 

Dans un communiqué rendu public (https://alakhbar.info/?q=node/31359), le Club somme le député de présenter des excuses. À défaut, il se réserve le droit de l’assigner devant la justice!

 

Dans son communiqué, le Club appuie ses prétentions essentiellement sur deux dispositions du Code Pénal mauritanien: Art.204 & Art.208; dont voici les termes:

 

«ART. 204. - Lorsqu'un ou plusieurs magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire, lorsqu'un ou plusieurs jurés auront reçu, dans l'exercice de leurs fonctions, ou à l'occasion de cet exercice, quelque outrage par paroles, par écrit ou dessin non rendus publics, tendant, dans ces divers cas, à inculper leur honneur ou leur délicatesse, celui qui leur aura adressé cet outrage sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à deux ans.

Si l'outrage par parole a eu lieu à l'audience d'une Cour ou d'un tribunal, l'emprisonnement sera de deux à cinq ans.»

 

«Art. 208. - Quiconque aura publiquement, par actes, paroles ou écrits, cherché à jeter le discrédit sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance, sera puni d'un à six mois d'emprisonnement et de 5.000 à 200.000 UM d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement.,

Le tribunal pourra, en outre, ordonner que sa décision soit affichée et publiée dans les conditions qu'il déterminera aux frais du condamné, sans que ces frais puissent dépasser le maximum de l'amende prévue ci-dessus.

Les dispositions qui précèdent ne peuvent, en aucun cas, être appliquées aux commentaires purement techniques ni aux actes, paroles ou écrits tendant à la révision d'une condamnation.

Lorsque l'infraction aura été commise par la voie de la presse, les dispositions de l'article 263 du présent code seront applicables.»

 

D’emblée, et sans équivoque, ces articles couvrent les cas d’outrage au tribunal: outrage in-face (fait en présence du tribunal) et outrage ex-face (fait hors la présence du tribunal).

 

L’outrage in-face ou délit d’audience, consiste à porter atteinte au tribunal en présence du magistrat, d’où le libellé de l’article 204 «... dans l'exercice de leurs fonctions, ou à l'occasion de cet exercice ...».

 

Quant à l’outrage ex-face, délit d’interférence, il consiste à désobéir à un ordre ou une ordonnance du tribunal DURANT le processus judiciaire, d’où le libellé de l’article 208 «... jeter le discrédit sur un ACTE ou une DÉCISION juridictionnelle ... ».

 

A la lecture littérale de ces deux dispositions importantes du Code Pénal mauritanien, Il est évident que l’objectif des articles 204/208 n’est pas de protéger le système judiciaire et ses acteurs, at-large, dans/contre le débat public et ses dérivés!

 

En fait, et en pratique, ces dispositions visent à PROTÉGER les magistrats et le système judiciaire, INIQUEMENT DURANT LE PROCESSUS EN COURS, et ce, afin de sauvegarder son respect et son intégrité.

 

Comme on dit, le diable est dans les détails.

 

Maître Takioullah Eidda, Avocat

Montréal, Canada.

أربعاء, 03/03/2021 - 16:35