Au Sahel, avec le Covid 19, 2020 sera une année charnière dans la lutte contre les groupes armés dont certains soutenus de l’extérieur. Année aussi de Partenariats et de recherche de cohérence des politiques de coopération. Année, enfin, de réflexion sur l’obligation de résultats pour mettre fin aux conflits. Malgré les effets pervers du Covid19 et une internationalisation accrue.
Covid 19, terrorisme et crises humanitaires.
Le consensus est universel : avec le Covid 19, 2020 est une année catastrophique pour l’économie mondiale. La folle course pour un vaccin, risque d’en faire de même pour 2021. A travers le monde, 67 millions sont infectés, 1.5 million décédés et le nombre de ceux nécessitant une assistance humanitaire s’est accru de 40 percent. Dans la course pour produire et vendre le vaccin, les plus démunis seront davantage marginalisés et les recrutements de djihadistes d’autant plus servis.
Selon l’Indice Mondial du Terrorisme (Institute of Economy and Peace, 2020), celui-ci est en recul depuis 2014 sauf en Afrique où il persiste grâce aux conflits civils qui en constituent le moteur principal. Cette baisse ne peut faire oublier que le terrorisme reste une menace sérieuse dans de nombreux pays. La plus forte augmentation dans le monde est enregistrée au Sahel (Burkina Faso où le nombre de morts a été multiplié par 7 (Rapport de 2019). Sur les 18 pays les plus touchés, 9 sont déjà en conflit et les pays africains les plus affectés sont le Nigéria, la Somalie, la République Démocratique du Congo et le Mozambique.
En 2018, le coût de la lutte contre le fléau s’élevait à 13 Mds USD soit 9 fois celui de 2007.
Ces experts pensent que la baisse des revenus, due à l’impact du Covid 19 sur les économies, constitue une menace pour la sécurité au Sahel. Baisse induite par la réduction de l’aide extérieure, elle-même liée à la chute de l’activité économique dans les pays partenaires. Contreproductives, ces baisses réduisent les moyens publics de lutte contre le terrorisme.
Le Rapport, cité plus haut, estime à 171,7 Mds de dollars l’impact du terrorisme pour la décennie écoulée. Une estimation qui n’inclue pas le manque à gagner en matière d’investissements, en économie informelle, en dépenses dans la lutte contre le terrorisme, et autres charges effectuées pour les Personnes Déplacés Internes ou IDP. D’où l’importance de nouveaux projets.
Projets et autres initiatives.
Dans ce contexte, les nouvelles initiatives sont les bienvenues.
La Coalition pour le Sahel, annoncée à Pau, France, en janvier 2020, avec une présidence conjointe (G 5 Sahel, Union Européenne et France) compte 50 états membres. Ce regroupement vise à rassembler des pays, organisations et institutions internationales engagées dans la lutte contre le terrorisme au Sahel : ONU, Union Européenne, Union Africaine, etc. La Coalition vise à intégrer les approches de lutte des pays et à en assurer la promotion. Un premier exemple en est le soutien au G 5 Sahel dans sa lutte contre le terrorisme et pour le retour de l’administration dans les territoires.
L’Alliance pour le Sahel, un autre groupement, compte 23 pays et vise à financer 800 projets estimés à 12 Mds d’Euros. Elle devra intégrer l’un des quatre piliers de la Coalition pour le Sahel soit l’aide au développement. Les autres sont la lutte contre le terrorisme, le renforcement des capacités des forces armées et le soutien au retour de l’Etat sur les territoires.
Enfin, le Partenariat pour la sécurité et la stabilité au Sahel est une initiative conjointe franco germanique en faveur du Sahel.
Un grand combat reste à gagner : l’opérationnalisation rapide de ces regroupements afin d’éviter duplication des tâches et absence d’harmonisation des efforts.
Et aussi pour maintenir le Secrétariat du G 5 Sahel à Nouakchott.
Certitudes et défis.
Délicats, certains sujets bien réels sont difficiles à aborder au Sahel et encore plus à gérer de manière transparente. La plupart tournent autour de la nature et de la gouvernance de l’Etat national. Après plus de 7 ans de présence militaire internationale au Sahel, on assiste à un match, pas nul, mais qui ne se termine pas. Quand bien même elles l’emportent lors de chaque combat – c’est toujours le cas – les troupes régulières n’en demeurent pas moins obligées de rester sur le terrain. En état d’alerte.
Au centre du Sahel, comme dans ses périphéries sud (Lac Tchad, Golfes de Guinée et du Benin) et nord (Libye), l’insécurité est endémique et la peur s’incruste dans le mental des populations.
L’adversaire, hétéroclite, compte des djihadistes, des milices ethniques, des groupes d’autodéfense, des trafiquants, des convoyeurs de migrants, des jeunes cherchant l’action, etc. Et aussi quelques conseillers appelés ‘’supports spirituels’’ venus de pays proches ou lointains fortifier le moral des combattants.
Et si la crise malienne s’internationalisait davantage avec des ‘’conseillers militaires’’ de pays de la région tel l’Algérie et d’états plus lointains, la Russie avec Wagner? C’est, laissent entendre leurs soutiens, pour le moins pareil au groupement européen Takuba (500 soldats) et au britannique Newcombe, (300 troupes) en renfort de Barkhane. Concerné le Maroc restera t il absent de la scène ?
Coté gouvernements concernés, l’économie nationale, souvent aux mains de groupes liés au pouvoir, offre des rentes plus qu’elle n’avance le développement. De plus, la peur, la polarisation et la pauvreté poussent à l’immigration vers les capitales. C’est-à-dire vers des villes déjà surpeuplées, étendues, sous équipées et très chères.
Ces capitales du Sahel manifestent une réalité régionale: le pays officiel face au pays réel, l’état formel face à l’état utile.
In fine, devant une situation périlleuse qui perdure et peut s’internationaliser davantage – Covid 19, terrorisme, jeu de puissances régionales et autres – le statu quo n’est plus une option. Ni une démagogie mobilisant énergie et ressources, non pour la bataille du présent et du futur mais contre un passé déjà bien lointain.
Face aux dangers, le Sahel doit gagner la bataille en cours et ouvrir des horizons à sa tumultueuse jeunesse.
Ahmedou Ould Abdallah, président centre4s