La Banque centrale est une vieille institution de la Mauritanie qui a hérité du siège, des employés et du savoir-faire de la BCAO. Cette institution qui a pris le nom de Banque centrale de Mauritanie à la création de la monnaie nationale a bénéficié d’une administration compétente et efficace.
A la veille de la création de l’ouguiya, de hauts fonctionnaires de l’administration mauritanienne ont été envoyés en formation en Algérie, afin de les préparer à cet environnement nouveau et aux fonctions qui s’y rattachent. Je peux citer parmi ces hauts cadres Dieng Boubou Farba, feu Ahmed Ould Zein et d’autres venant d’institutions financières internationales, tels que Moustapha Ould Cheikh Mohamedou et feu Sid’Ahmed Ould Bneijara.
Tous ces hauts fonctionnaires ont servi avec le premier gouverneur de la BCM, le frère du premier président de la République dont il bénéficiait de toute la confiance et qui avait la compétence et l’expérience requises, puisqu’il avait dirigé auparavant l’Organisation des Etats riverains du fleuve Sénégal et venait directement de la direction de la Sonimex qui, à l’époque, avait le monopole de l’import-export et assurait le ravitaillement du pays en denrées essentielles comme le riz, le sucre, le thé, etc. Tous ces cadres que je viens de citer se sont succédés à la tête de la BCM, après Ahmed Ould Daddah, et la banque a gardé de très bonnes habitudes. Son personnel était le mieux payé de l’administration.
C’était la ponctualité rigoureuse : tous montaient et descendaient à la même heure. On les voyait sortir en file indienne, comportement unique dans l’administration. A l’intérieur, l’organisation était stricte et la discipline était de rigueur. C’était un bunker dont les rapports se limitaient pratiquement aux relations suivies avec le Trésor public, ce qui explique que le Trésorier général soit membre de son Conseil de surveillance. Même quand elle délivrait les autorisations de change, les usagers n’étaient pas autorisés à entrer dans les locaux et recevaient leurs documents dans un guichet ouvert sur l’extérieur. Malheureusement, toutes ces bonnes habitudes la Banque les a perdues depuis longtemps et c’est devenu une pagaille comme le reste de l’administration.
Le scandale que nous vivons aujourd’hui est extrêmement grave et aura certainement des répercussions négatives sur la renommée de la Banque centrale, sur la monnaie et sur nos rapports monétaires avec l’extérieur. De mémoire de fonctionnaire des Finances à la retraite, je n’ai jamais vécu une malversation d’aussi grande importance.
Sachant que les textes régissant la BCM ne permettent ni à la Cour des comptes, ni à l’Inspection générale des Finances d’exercer leur contrôle sur le fonctionnement de la banque, il est nécessaire de mettre en place une commission parlementaire qui aura à faire la lumière sur tous les aspects de la question, pas sous forme de contrôle a posteriori, tourné vers le passé, qui est susceptible d’être interprété comme un règlement de comptes, mais un contrôle concomitant qui se rapporte au moment où les opérations frauduleuses ont eu lieu. C’est le seul moyen de tirer au clair les circonstances et les faits relatifs à ce scandale, à l’intention aussi bien de l’opinion nationale qu’internationale. Il y va de la crédibilité de notre système monétaire.
Boydiel Ould Houmeid