L’État mauritanien vient de signer, le 15 juin 2020, un accord avec la société canadienne KINROSS, laquelle exploite depuis plusieurs années la mine d’Or de Tasiast.
Qu’il s'agit d’une révision des accords de 2007 ou de l'exploitation d'une nouvelle mine, le moins qu’on puisse dire de cet accord, dont le gouvernement fait grand tapage, est qu’il se classe parmi les plus MAUVAIS que la Mauritanie ait signé avec un partenaire étranger depuis la réforme du Code minier en 2009.
À cet égard, nous allons exposer ci-après les principaux points d’achoppement de cet accord, à savoir la participation de l’État au capital; la redevance à payer; la clause préférentielle; le remboursement des taxes et l’exonération fiscale accordée.
A- PARTS DE L’ÉTAT DANS LE CAPITAL:
La contribution de l’État au capital est un droit et privilège prévus expressément par le Code minier adopté en 2009 et le gouvernement n’a à négocier que le pourcentage, en fonction de son intérêt. La contribution au capital donne, de droit, à l’État un siège au sein du Conseil d’Administration, au prorata de sa contribution.
Ce n’est donc ni un nouvel acquis ni une concession faite par KINROSS.
De plus, selon le Code de 2009, la contribution de l’État dans chaque contrat de partage peut aller jusqu’à 20%, alors que l’accord signé le 15 juin 2020 avec KINROSS, remmène cette part à 15% seulement!
B- REDEVANCE VARIABLE AU LIEU DE REDEVANCE FIXE:
Pour une autorité publique, l’État prend un risque inapproprié en permettant à KINROSS d’introduire dans l’accord une clause dite «mirage».
En effet, au lieu de se contenter d’une redevance FIXE et négocier sa valorisation, l’État se permet de s’assoir à la table du casino avec ses aléas, en acceptant de rattacher la valeur de sa redevance, plafonnée à 7%, au prix de l’Or sur les marchés volatils!
En conséquences, l’État peut gagné de façon épisodique, mais il perdra à coup sûr très souvent, surtout quand on prend en considération que c’est KINROSS qui détermine le moment de la vente et le choix des acheteurs.
C- PRÉFÉRENCE AUX ENTREPRISES MAURITANIENNES:
Cette clause, est une clause STANDARD que le Code mauritanien impose obligatoirement à toute entreprise venue investir en Mauritanie.
Malheureusement, les entreprises étrangères n’en n’ont que faire et elles la piétine sous toutes sortes de prétextes: absence de main-d’oeuvre qualifiée en Mauritanie; entreprises mauritaniennes non « isotées » (ISO 9000 ...); entrepreneurs mauritaniens ne possédant pas les équipements appropriés; ... etc. ...etc.
Alors, attendez-vous pas à ce que Kinross recrute demain à cet égard.
D- REMBOURSEMENT DES TAXES À KINROSS:
En vertu de l’accord signé ce 15 juin 2020, l’État est tenu de rembourser à KINROSS la colossale somme de seize (16) milliards UM au titre de TVA perçue par le passé!
Alors se pose la question: pourquoi l’État doit rembourser une taxe déjà perçue? Et, si elle a été perçue illégalement, la faute revient à qui? Au Gouvernement, en manque de liquidité à cours terme? À KINROSS, parce que le contrat est silencieux ou imprécis à cet égard ou qu’elle a pris pour acquis qu’elle est tenue de la payer, à l’instar de ce qui se passe au Canada et ailleurs dans le monde?
Autant de questions qui méritent des réponses. Mais une chose est certaine, le gouvernement n’aurait jamais dû rembourser cette somme, surtout en ces temps de crise liées au CORONAVIRUS et, de surcroît, à une société dont les bénéfices explosent littéralement à cause de la demande mondiale de l’Or.
Le gouvernement aurait dû donner une contre partie plutôt en NATURE, mais jamais rembourser argent sonnant.
D’ailleurs, dans presque tous les contrats de prospection ou d’exploitation, à travers le monde, l’exonération fiscale NE COMPREND JAMAIS une EXONERATION de la TVA, ce qui est tout à fait logique; car, cette taxe est une taxe DIRECTE payée sur les biens et les services, par tout en chacun: pauvre, riche, handicapé, malade ou en santé! Comment ça se fait et pourquoi KINROSS en n’a été EXEMPTÉE? Illogique!
E- EXONÉRATION FISCALE DE KINROSS:
Aux termes de l’accord avec KINROSS, celle-ci est entièrement EXONÉRÉE des taxes relatives à l’exploitation et l’importation de tous ses besoins de l’étranger.
Cet avantage fiscal appauvri et désavantage l’État et les commerçants mauritaniens.
En effet, KINROSS n’a pas à payer un seul ouguiya sur TOUTES ces importations de matériels, de véhicules, de nourritures ... et j’en passe. De ce fait, elle n’est pas obligée de recourir aux services des entreprises locales mauritaniennes.
Sans oublier que cette exonération permet à KINROSS de GONFLER, à volonté, ses dépenses, ce qui diminue drastiquement ses bénéfices et, en conséquence, le BIS à payer au trésor mauritanien.
L’exonération accordée par l’État mauritanien à KINROSS est un avantage indu qui ne peut se justifier sous aucun prétexte, pas même temporel. Car, il va à l’encontre des intérêts de ce pays pauvre et dont les populations on ne peut plus nécessiteuses.
En outre, la majorité des États du monde n’accordent ces exonérations fiscales qu’aux investisseurs à leur arrivée, au début de la période de leur l’installation, ce qui est compréhensible; mais JAMAIS à un stade de renouvellement ou d’élargissement de leurs activités!
F- CONCLUSION:
L’accord signé avec KINROSS désavantage nettement l’État mauritanien, alors que celui était en position de force, compte tenu du fait que la Société est installée en Mauritanie depuis plus de douze (12) ans et que son industrie traverse une prospérité fulgurante, voire sans précédent dans l’histoire.
En outre, le remboursement de la dette liée à la TVA est manifestement inappropriée, tout comme l’EXONÉRATION fiscale accordée.
Enfin rien, ou presque,n’a été prévu quant à l’implication de KINROSS dans le développement local et régional ni sur l’avantage accordé aux populations dela zone source.
Allah Ahvadh!!
Maître Takioullah Eidda, Avocat
Bir-Oumgrein (Tiris-Zemour).