Dr Kleib Ahmed Salem: On n’a pas un circuit de parcours des soins clair pour le covid-19

Le Calame : La Mauritanie a enregistré 5 cas positifs au COVID-19 et un décès. D’abord, quelle appréciation vous faites de la gestion de cette pandémie? Ensuite, y-a-t-il  lieu de s’inquiéter ou pas des jours à venir,  après les mesures prises, les moyens mobilisés par les pouvoirs publics ou en voie de l’être ?

Dr Kleib Ahmed Salem : La gestion de cette pandémie est en cours. Il est tôt pour faire un bilan et l’heure n’est pas aux enquêtes, ni à l’analyse d’une opération en cours. Une fois cette pandémie terminée, le peuple jugera.

Le gouvernement mauritanien, à travers le comité interministériel sur le Covid 19, a pris des bonnes mesures « très tôt ou trop tard ?» pour  limiter la diffusion du coronavirus,  isolement, quarantainecomportements-barrière  distanciation sociale , confinement, arrêt des cours scolaires et universitaires, couvre-feu, et isolement des villes et d’autres mesures, depuis l'apparition de la menace du COVID-19.

 

Il y a bien lieu de s’inquiéter au vu de ce qui se passe chez nos voisins et chez les puissances occidentales dotées d’un système de santé bien structuré, ce qui n’est pas le cas de notre système de santé. Les cas graves qui vont nécessiter une réanimation respiratoire vont poser un problème de prise en charge.

 

Au rythme où vont les choses, risque-t-on un confinement général ?

L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a insisté sur les programmes de dépistage de la population, qu'elle présente comme la meilleure manière de ralentir la progression de la pandémie de coronavirus. Notre stratégie de prévention doit consister à arrêter la propagation du virus, d’ailleurs, par tous les moyens.

Le passage au confinement général ne dépend que de la cinétique épidémique du covid-19, les semaines à venir. 

 

La mort d’une dame venue de France suscite encore des interrogations, elle  devait sortir la veille de son décès d’un confinement de 14 jours. Une enquête est a été d’ailleurs ouverte par les autorités pour élucider les conditions de son décès. Que vous inspire ce drame ? Qu’attendez-vous de cette enquête ?

Tout décès par coronavirus en milieu hospitalier est regrettable, et il est pénible à vivre par le personnel soignant.  Le comité interministériel sur le Covid-19 a ouvert une enquête sur ce premier cas de décès. Il faut attendre le rapport définitif pour donner un avis. Il s’agit d’un virus nouveau, et inconnu pour nos systèmes immunitaires. Il est apparu en Chine pour la première fois. Les premiers signes y ont été décrits « par de la fièvre, de la fatigue et une toux sèche ». Quelques patients présentent des symptômes tels que la congestion nasale, l'écoulement nasal, le mal de gorge et la diarrhée. Certains patients peuvent aussi progresser vers cela. Il existe également des patients qui ne présentent aucun symptôme, avec un test au covid-19 positif.

Les patients sévères développent souvent une dyspnée et / ou une hypoxémie une semaine après le début de la maladie, et les cas graves évoluent rapidement vers le syndrome de détresse respiratoire aiguë.  Comme ce fut le cas de notre patiente.

 

Les mauritaniens se demandent dans quelles conditions médicales ou sanitaires les personnes –contact ou celles rentrées des pays endémiques  sont confinées. Ils ne comprennent pas pourquoi  au terme de 14 jours  de confinement, l’équipe médicale n’a pas ni décelé des signes d’alerte, ni  d’autres pathologies dont elle pouvait souffrir? 

Le comité interministériel Covid-19, sur avis consultatif du comité scientifique, a décidé de prolonger cette période d’isolement, ce qui se justifie après l’apparition de ce nouveau cas asymptomatique, qui a évolué vers le décès et l’absence de tests de dépistage en quantités suffisantes.

 

Après la petite polémique entre le ministre de la Santé et le chef service des urgences de l’hôpital de Kaédi à propos du cas enregistré dans cette ville, le ministère a publié une circulaire invitant le corps médical à s’abstenir de communiquer sur la pandémie. Qu’en pensez-vous ?

Le ministre de la Santé, omniprésent sur tous les fronts, s’est montré maitre de sa communication, avant le cas du patient de Kaédi et le cas de la patiente décédée dans une ambulance (non médicalisée évidement). Le temps de ‘’Sois médecin et tais-toi’’ est révolu en période des réseaux sociaux, comme en témoigne le cas du Dr Li Wenliang, ce jeune médecin chinois ophtalmologue, décédé jeudi 6 février 2020, qui a révélé l’apparition du coronavirus à Wuhan. Cette circulaire destinée à museler les médecins a sapé le moral du personnel soignant de première ligne qui fait un boulot remarquable, sans protection, et sans les premiers éléments d’information qui leur permettent une prise en charge précoce et sécurisée des premiers patients.

Pouvez-vous imaginer qu’on n’a pas un circuit de parcours des soins clair pour le covid-19. On n’a pas un scanner dédié aux patients atteints du Covid-19, qu’on n’a pas suffisamment de lits de réanimation (avec respirateur), ni de personnel formé à la réanimation, alors que l’ouragan s’approche. C’est le moment ou jamais pour améliorer notre système de santé public, privé et hospitalier.

 

Que vous inspire la mise en par  le gouvernement du fonds spécial pour la lutte contre le COVID -19 ?

J’adhère complètement à cette initiative qui s’inscrit dans un élan de solidarité nationale pour faire face à l’épidémie du coronavirus, et en soutien aux hôpitaux publics. J’espère que ce fonds spécial sera supervisé et géré par une commission largement variée et au-dessus de tout soupçon, constituée de la Cour des comptes, des journalistes, des ONG, du ministère des Finances et du ministère de la Santé.

Propos recueillis par Dalay Lam

خميس, 09/04/2020 - 20:10