LETTRE OUVERTE A SON EXCELLENCE MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Excellence Monsieur Le Président,

Étant ressortissant de Ain-farba et cadre de ce pays, je voudrais me permettre, avec tous les respects que je dois à Votre Excellence, d’attirer votre attention sur le fait que le Projet de décret portant création de nouvelles ‘‘Moughataa’’ a constitué une véritable affliction pour les habitants de notre localité. En nous excluant de ce projet, nous regrettons vivement que notre administration n'ait pas tenu compte des facteurs intrinsèques liés à cette zone sur le plan économique, socio-culturel, historique et stratégique.

En procédant à une introspection, je dirais que, la création de Ain-farba au début des années soixante, à l’instar de tous les nouveaux villages dans notre pays, était motivée par la volonté de ses premiers habitants à scolariser leurs enfants, bénéficier des structures sanitaires et profiter d’une vie meilleur promue par les autorités de l’époque.

Le concept d’indépendance était perçu dans le temps comme un sentiment de satisfaction et devait marquer pour nous un tournant décisif vers un avenir meilleur. Il est apparu en définitive comme une manœuvre trompeuse et mystificatrice, fondée sur une conception fallacieuse de la liberté de disposer de nos propres richesses et une fausse illusion de prise de destin de notre peuple par lui-même.

En matière de démocratie, l’effet le plus pernicieux était celui du dogmatisme, c’est-à-dire l’adoption inconditionnelle et sans adaptation d’une démocratie occidentale appliquée d’une manière mécanique, sans tenir compte de nos conditions spécifiques. Elle a juste permis aux classes dirigeantes de perpétuer leur domination politico-économique par l’intermédiaire de hold-up électoraux. Cette situation a eu pour corollaire une mauvaise gouvernance marquée par une corruption généralisée du système dont les bilans désastreux au fil des décennies parlent pour eux-mêmes.

Votre accession au pouvoir augure pour nous une nouvelle ère après que nous ayons vécu l’injustice et la marginalisation de l’ancien régime traitant les populations de la commune de Ain-farba comme opposants et méritent en conséquence une sanction collective. 

Depuis plusieurs décennies, ces populations vivent en plus de l’état pathétique de pauvreté, l’isolement (absence de route bitumée), la précarité des infrastructures scolaires et sanitaires, le chômage, la cherté de la vie, l’absence de soutien des éleveurs et des agriculteurs sans oublier le manque d’eau, d’électricité et de l’internet.

Le paradoxe est que, dans une grande zone agropastorale où le niveau de la nappe d’eau est à cinq mètres de profondeur avec une terre assez fertile et une pluviométrie significative, il n’y a aucun projet économique de développement depuis l’indépendance jusqu’à ce jour.

En matière d’emploi des jeunes, cette situation s’illustre de façon caricaturale et dramatique par le fait que nos enfants, après un cursus universitaire assez long et devant l’interventionnisme flagrant en matière de recrutement, n’ont eu d’autre choix que d’aller travailler en Afrique noire, parfois au risque de leur vie, dans des conditions de travail exécrables et avec des revenus modiques pour subvenir aux besoins de leurs familles.

D’autres ayant de hautes compétences techniques ont choisi d’évoluer outre-mer (en Europe et aux USA) en raison des meilleures conditions d'emploi et de traitement. Cet exode des cerveaux fait peser un lourd tribut à notre pays au capital humain déjà rare au moment où chaque année, nous dépensons des montants importants pour payer des experts étrangers qui offrent leurs compétences à des prix exorbitants.

S’agissant de l’entrepreneuriat, les initiatives privées locales finissent par s’évaporer par manque de soutien. A l’échelle nationale, particulièrement au niveau du secteur pétrolier, nos PME, censéescontribuer à la création de l’emploi, renforcer le revenu de la classe moyenne et par voie de conséquence contribuer à l’accroissement des recettes publiques se sentent complètement laissées pour compte. Elles font face à des règles de jeu hypocrites et sévères au point où l’on se demande s’il existe réellement une politique nationale de promotion de l’initiative privée chez nous.

Face à cette situation, ce sont les entreprises étrangères (chinoises, sénégalaises, tunisiennes, marocaines etc…), ayant déjà une longueur d’avance sur nous, qui répondent le mieux à nos critères de passation de marché.

Monsieur le Président, nous espérons pour une fois que justice soit faite à notre égard et que nos doléances puissent enfin être prises en charge en haut lieu.

En attendant une réaction favorable de votre part à ce courrier, recevez, Excellence Monsieur le Président, ma très haute considération.

Que Dieu guide vos pas.

El Hadj SIDI BRAHIM

Ingénieur de Pétrole.

 

أربعاء, 06/10/2021 - 09:00