Interview avec un spécialiste en marchés publics sur le rapport de la commission d’enquête parlementaire

Consultant international en passation des marchés publics, Ely Taleb ABDEL KADER, fut membre et président de la commission de passation des marchés des secteurs de l’administration, de la culture et de la communication de 2012 à 2015. Il a fait aboutir plusieurs marchés intéressants en Mauritanie notamment ceux financés par la Banque mondiale et la BAD.  Actuellement, il assiste l’un des projets structurant dans la finance en Mauritanie en collaboration avec le fonds africain de développement.

On l’a rencontré pour une interview à l’occasion de la fin des travaux de la commission d’enquête parlementaire sur certains dossiers durant les mandats de l’ancien président.

 

Aqlame:  Bonjour Abdel KADER, pour commencer, quelle impression avez-vous eu sur le rapport de la commission d’enquête parlementaire (CEP) en quelques mots ?

 

 Ely Taleb ABDEL KADER: D’abord, je saisis l’occasion que vous m’offrez pour vous remercier des efforts que vous avez toujours fournis afin d’éclairer l’opinion nationale sur certains aspects de la gestion des deniers publics dans notre pays.

Quant aux résultats des investigations menées par le parlement mauritanien sur la gestion des ressources du pays sous la direction de l’ancien président, je vous confirme, d’emblée, que je suis agréablement surpris de la consistance du rapport qui non seulement relate les faits mais aussi met en exergue les défaillances structurelles à soigner.

Vous êtes un spécialiste des marchés publics, quelles sont à votre avis les manquements qui vous paraissent graves et qui portent réellement un préjudice à la Mauritanie ?

Laissez-moi vous dire d’abord que la gabegie est une tendance qui finit par se structurer au fur et à mesure. Le problème ne se situe dans nos textes car la Mauritanie avec l’assistance de ses partenaires étrangers s’est doté d’une réforme ambitieuse en 2012, capable d’assurer l’assainissement de la gestion des marchés publics.

Il est clair qu’il y avait une volonté manifeste de vider la réforme des marchés publics de son sens et de la contourner pour mettre la main sur les ressources de l’état et de manière structurée.  

Le deuxième mandat du l’ancien président a été fatal pour la transparence et l’accès libre à la commande publique. La primature était à la source de d’un soigneux travail d’élimination des meilleurs rares cadres du pays dans le domaine de la gestion des marchés. Le principe de la séparation des fonctions de la passation, le contrôle et la régulation des marchés publics, garant de la transparence, a été sérieusement endommagé

Je peux vous confirmer que les conclusions spectaculaires auxquelles ce rapport a pu aboutir se répandent quasiment sur tous les marchés publics durant ladite période.

Pourtant, les rapports d’audit indépendants pilotés par l’autorité de régulation qui mentionnent la violation de la loi 2010-044 par la Commission nationale de contrôle des marchés publics ont été toujours classés.

 

Aqlame: Quelles sont, selon vous, les éléments stratégiques à prioriser lorsqu’on souhaite combattre ces mauvaises pratiques ?

 

 Ely Taleb ABDEL KADER :  Le peuple mauritanien suit avec un grand intérêt l’évolution des choses. Il faut tout de même saluer l’atmosphère qui règne depuis la prise en main de la gestion du pays par son Excellence Monsieur le président de la république Mohamed Cheikh ELGHAZOUANI. L’état de droit semble être une priorité qui commence à donner ses fruits. 

Pour la première, les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire accomplissent leurs rôlesde façon indépendante et réfléchis.

Bien que le rapport ait formulé de bonnes recommandations, je pense que si l’on interprète les textes que nous avons de manière professionnelle tout en opérant une certaine réorganisation efficace et surtout efficiente des organes en charge de la gestion des marchés publics, le pays pourra se remettre de cette dégradation et le climat des affaires sera, j’en suis persuadé, le premier à en profiter.

 

Aqlame: Selon vous, quelle attitude doit-on avoir face aux conclusions du rapport de l’enquête ?

 Ely Taleb ABDEL KADER :  Les yeux sont tournés vers l’état mauritanien. L’opinion nationale et les partenaires étrangers du pays s’attendent à une réaction à la hauteur des dégâts néfastes causés par la dilapidation des deniers publics durant les deux mandats de l’ancien président.

Cette gabegie a largement alourdi la dette extérieure du pays et le développement de la Mauritanie en a pris un sérieux coup. Je pense qu’on n’a plus une grande marge de manœuvre, la justice doit suivre son cours et tout responsable doit assumer les conséquences des actes qu’il a commis.

 

Propos recueillis par Riadh Ould Ahmed El Hady

أربعاء, 29/07/2020 - 18:35