Les Flam avaient le soutien de Dakar

C’est connu, le Sénégal avait défendu avec vigueur l’indépendance de la Mauritanie. Il avait agi sur la scène internationale pour que les prétentions marocaines n’aboutissent pas. Le discours de son ministre des Affaires étrangères Doudou Thiamà l’ONU à cet effet en était la parfaite illustration. Il était sincère et avait l’air de l’être. Cependant, le diplomate sénégalais n’avait pas tout dit. En effet, le Sénégal bougeait parce qu’il ne voulait pas être privé d’un « second pays », et il servait aussi l’agenda de la France qui voulait arracher aux Marocains un territoire stratégique et d’énormes richesses supplémentaires, plus facile à obtenir de la Mauritanie indépendante. Le chroniqueur Justin Ndiaye est formel : « Même si la position du Sénégal était aveuglément alignée sur celle de la France désireuse de créer une entité mauritanienne, afin de faire main basse sur le minerai de fer de Zouerate via la MIFERMA, la posture de Dakar a aidé indiscutablement au sauvetage de la Mauritanie, des visées expansionnistes de Rabat. Donc à l’avènement d’une Mauritanie indépendante ». 

Aux calculs stratégiques des Sénégalais s’étaient ajoutées d’autres considérations d’ordre négro-nationaliste en ce sens que « certains milieux sénégalais voyaient d’un mauvais œil la présence à leur porte d’un État arabe ». Tout comme ils avaient des préoccupations concernant les gens du Fouta qui, selon leur jugement ethnocentrique, « seraient mieux à leur place dans l’ensemble sénégalais que dans la situation de minorité qui était la leur en Mauritanie ».  Peu importe, le sort en avait décidé autrement et les populations noires de la rive nord du fleuve étaient devenues mauritaniennes.

Plus tard, le président Senghor qui s’était dressé devant les ambitions marocaines, avait cette fois-ci joué sa propre partition estimant, semble-t-il, que la composition raciale de son voisin était « une infirmité congénitale », son talon d’Achille. Étant en froid avec le président Haidalla qui n’était pas à la hauteur de ses aspirations, le poète de la négritude n’avait pas trouvé mieux que d’investir dans ce qu’il lui semblait être un angle d’attaque efficace, une faille vicieusement favorable à qui voudrait l’exploiter et surtout qu’elle était simple à penser : dresser la partie noire contre la partie « blanche » ; d’où le Walfougui (Walo-Fouta-Guidimakha) : un projet de République négro-africaine à ériger dans le Sud mauritanien. Pour ce faire, Dakar avait engagé un maréchal des logis de la gendarmerie mauritanienne en désertion issu de la vallée afin « de favoriser la naissance – sur une ligne qui va du barrage de Diama à la ville de Sélibaby – d’un Etat-tampon ». 

La carte raciale sera également jouée par le président Abdou Diouf qui avait soutenu la naissance des FLAM (Forces de Libération des Africains de Mauritanie) et avait encore, selon le colonel Abdoulaye Aziz Ndaw auteur de

Pour l’honneur de la gendarmerie sénégalaise, entraîné et armé les indépendantistes poulo-toucouleurs pour attaquer leur pays. Il explique : « Je fis faire quelques coups de main par les réfugiés mauritaniens et organiser quelques razzias de bétail qui firent comprendre aux interlocuteurs que se sera coup pour coup ». 

Les FLAM pour se défendre de cette grave accusation, tout en réfutant les propos du colonel Ndaw, confirment par ailleurs qu’elles avaient travaillé en intelligence avec « l’ennemi » : « nous avions, il est vrai, des contacts civils, militaires et politiques jusqu’au très haut niveau de l’État, notamment avec Jean Collin, Ministre de l’Intérieur. » , et qu’elles avaient bel et bien organisé la lutte armée contre leur pays à partir du sol sénégalais . Les FLAM avouent aussi avoir été en mesure d’engager une vraie guerre de libération si elles avaient voulu. Les Séparatistes poulo-toucouleurs affirment dans la foulée : « nous avions eu des opportunités hautement crédibles de changer radicalement la donne en Mauritanie si nous n’avions inscrit notre lutte politique uniquement pour l’égalité et la démocratie. »

 

Ely Ould Sneiba

‘’Mauritanie : vous avez dit vivre ensemble ?’’

أربعاء, 23/12/2020 - 21:28