La bataille de l'UPR: quel gâchis

Quarante ans pour construire, trois mois pour détruire : quand toutes les analyses s'écroulent...comme un krach boursier.

Les observateurs avertis ont toujours cru que la faille viendrait un jour du glacis politico-médiatique adverse qui s'acharne depuis des lustres sur l'entente légendaire tissée entre deux frères d'armes aux destins envieux. Mais hélas, il semble que le syndrome peu reluisant voire tristement célèbre du tandem mortifère Thomas Sankara-Blaise Compaoré ait toqué aux portiques du pays du "million de poètes".

Sans vouloir verser dans la grandiloquence de la sphère médiatique, surtout des réseaux sociaux, l'on est en droit de se demander : pourquoi maintenant? 

Au moment où l'un des protagonistes vient de graver dans le "ciment de Mauritanie" le dernier chapitre de son "épopée", tandis que l'autre commence tout juste à se frayer un sentier lumineux propice à l'entame de sa propre "Histoire". Sale temps sur Nouakchott à l'orée du 59ème anniversaire de notre indépendance !!! 

Certes personne ne peut "cum-prendre" les sinuosités profondes de la psychologie humaine, surtout quand elle relèverait du domaine de l'inconscient. Mais au-delà des pratiques dolosives, des tournures machiavéliques, des pulsions colériques ou des troubles narcissiques, un être humain doué d'un minimum de rationalité se doit de connaitre la différence entre le bien et le mal, le tolérable et l'intolérable, la compassion et l'ingratitude....C'est aussi cela un peu de stratégie ....militaire, quant à choisir le moment de s'exposer ou la période de se camoufler......

Alors de quoi s'agit-il, pour ce qu'on peut appeler désormais la "bataille de l'UPR"? Y a-t-il des mobiles encore tacites qui nous échappent ? Jusqu'où ira cette saga?

Avant le limogeage du colonel Mahfoudh Mohamed Elhaj dit Sogofara, le 27 novembre 2019 et son remplacement par le très respectable jeune colonel Ahmed Ould Moilih à la tête du Basep (bataillon de la sécurité présidentielle), je ne croyais point à un début de mésentente entre les présidents Mohamed Ould Ghazwani et son ami Mohamed Ould Abdel Aziz. Et ce, malgré le tumulte des réseaux sociaux, qui reflètent sans parcimonie les méandres de l'opinion chauffée.

Qui a dit que "l'opinion pense mal " et que "d'ailleurs elle ne pense pas, qu'elle traduit ses besoins en connaissances" (Gaston Bachelard) car ses fondements, d'intérêts en raccourcis sont le plus souvent contraires à la vérité, soit-elle éthique ou ...scientifique.?.

Franchement au commencement de la "bataille de l'UPR", j'avais cru à un énième coup de poker de Mohamed Ould Abdel Aziz (dont il a le secret et la latitude) au profit de son ami Ghazwani en vue de lui rallier la majorité des députés du parti (upr) à moindre coût. Hélas j'ignorais que cette entreprise finalement pro domo allait faire céder pour la première fois depuis exactement 41 ans et 3 mois la digue de l'amicalité en endommageant, ne serait-ce que pour un temps le cordon ombilical liant les deux généraux. On aura constaté le comportement asymétrique de Aziz au bout de trois mois seulement, dès lors qu'il n'a plus Ghazwani pour atténuer ses ardeurs, endiguer ses envies, gérer ses pulsions.

Ah oui le "sédatif ou calmant" Ghazwani étant passé de l'autre côté de la grille du palais, les antiviraux ingurgités par mon ami, son ami Aziz n'ont pas eu d'effet sur les "virus", ces agents pathogènes ambiants rencontrés cette fois à Londres, Paris, Madrid ou tapis à Nouakchott, téléphone à l'oreille. L'infection évoluant en milieu fertile, la période de l'incubation sera courte et le traitement après le diagnostic sera administré dans les locaux de l'UPR. 

Ensuite...c'était la désolation, la fièvre n'étant pas tombée pour cause de ...faux médicaments. Mais désolant pour qui? D'abord pour le président Ghazwani, car s'il y a un homme doublement affecté, affligé aujourd'hui, c'est bien lui. Se mettre à la disposition d'un homme 4 décennies durant et ne pas recevoir en retour de la gratitude le temps d'une mandature de cinq petites années (ou même une décennie), dénote réellement d'un comportement amoral. Ensuite désolant pour ses frères d'armes, surtout les généraux qui voyaient d'un bon oeil la retraite dorée de leur camarade qu'ils devraient chérir et respecter.

Enfin désolant pour tous ses soutiens, amis, parents etc... surpris par l'attitude désinvolte de Ould Abdel Aziz. Le cas de la responsable des femmes de l'UPR, Moutha Mint Amar ,illustre bien cette assertion, quand elle lui demande hébétée "pour qui roule-t-il désormais?" Et pourtant dans les normes, c'est Aziz avec son expérience par l'exercice du pouvoir, qui devrait être là pour épauler son ami, sans jamais vouloir s'immiscer dans sa gouvernance.

Il semble que les deux hommes ne se sont pas tout dit au moment de la passation de service. Surtout en ce qui concerne le magot. Ce double réalisme des deux protagonistes encore une fois dénote de la complexité existentielle de l'être humain en général, guidé par des pulsions, sans doute en rapport avec les circonstances de l'enfance, et dont l'ampleur et la gestion lui échappent souvent .

Le retour de Aziz pour jouer un rôle politique de premier plan au sein de l'Upr, sans prévenir le président Ghazwani, n'était pas à l'ordre du jour. Alors que nous cache-t-on? Si Aziz avait l'intention de revenir pour faire ombrage à Ghazwani, pourquoi avoir quitté le pouvoir? Voyait-il en Ghazwani la même "vache à traire" éternellement ou croyait-il que le respect que lui accordait l'actuel président, exprimait-il une faiblesse congénitale qu'on peut exploiter à jamais? Aziz, n'a sans doute pas médité l'adage endogène de l'éminent guerrier et émir du Tagant Bakar Ould Soueid Ahmed à propos de l'ensemble tribal dont est issu l'actuel président de la république islamique de Mauritanie.

Autrement quand un homme ne cultive que la paix et la tolérance, il ne faudrait pas le bousculer à faire mal. Car la sagesse, quand on y tient, peut venir à bout de la mère des colères. Cependant si la situation est grave actuellement à Nouakchott, elle n'est pas désespérée. En effet si Ghazwani a pu gérer Aziz en position de dominé, il saura lui montrer le chemin de la sagesse sans "tambours ni trompettes", cette fois en position de force, ce que le droit et le devoir à protéger tous les mauritaniens lui concèdent.

Que doit faire Aziz ?

Si j'étais Mohamed Ould Abdel Aziz je choisirais un train de vie digne d'un ancien chef d'Etat dans le calme et la sérénité. Je dois remercier Allah de m'avoir donné tant de privilèges, tant de notoriété pour si peu. Aziz, tu as eu un coup de génie en choisissant le lieutenant Ghazwani comme alter ego, pour enfin lui céder le fauteuil présidentiel 4 décennies après.

Cet ami fidèle, qui ne t'a jamais contrarié un seul jour, autant lui renvoyer l'ascenseur en le laissant gouverner à sa manière le pays. Car chaque homme a ses propres empruntes, donc sa vision, son goût, son sens critique ou de critique et c'est cet ensemble qu'on appelle culture. Un pan de ta culture, toi Aziz était basé sur la hargne, l'impériosité etc, instruments avec lesquels tu as réussi à aplatir tes adversaires politiques, donner tes empruntes à tous les sceaux de la république.

Que veux-tu de plus, qu'une retraite apaisée, déjà assurée par la présence de ton ami de toujours à la magistrature suprême de cet état mauritanien qui t'a tout donné, et que tu as servi toi aussi. Je te conseille en ami de 39 ans (on s'est connu un mois de novembre 1980 à Kaédi) de ne plus céder aux tentations suicidaires ni aux allures kafkaîennes sur la scène politique car chaque étape dans la vie d'un homme a une fin.

Retourne au stade pour ton sport quotidien, crée une fondation pour la zakat à propos de tes biens mobiliers, immobiliers ou tes liquidités, repose toi à la badiya tant que tu peux, prends goût à la vie car le bonheur ce n'est pas que la quête éternelle de l'argent,....l'argent....,l'argent. Le bonheur c'est aussi le poème d'Horace : carpe diem(cueillir le jour).

C'est seulement avec ce comportement que tu pourras créer de l'empathie même chez ceux des mauritaniens qui ne t'aiment pas. La confrontation avec le pouvoir, tu en sais quelque chose, elle ne te servira à rien, car tu n'es plus l'administrateur, mais un simple administré, cependant ancien président de la république, général à la retraite. Ce statut n'est pas donné à tout le monde, c'est aussi un privilège. Voilà quelques conseils d'un ami qui te veut du bien et surtout qui ne te déteste pas. Ta détestation est à la mode actuellement, même pour ceux qui ont prétendu t'avoir soutenu.

Que peut faire le président Ghazwani?

Ceux qui attisent le feu entre Ghazwani et aziz pour provoquer l'irréparable, se trompent sur la vision olympique de l'actuel président de la république. Il ne ménagera aucun effort pour susciter un climat d'apaisement. Très sage, il n'adoptera que des ripostes graduées et surtout factuelles venant de son vis à vis. Il sait aussi que ceux qui applaudissent aujourd'hui pourront lui tourner le dos demain, avec le slogan tel : les militaires dans leurs casernes, car une réponse mal formulée appelle toujours une autre question pertinente.

Nous avons besoin de calme et de sérénité, besoin d'assainir la scène politique d'opportunistes véreux, de légitimer la fidélité au programme et non à l'homme. Car en Mauritanie les gens passent plus de temps à parler des partis politiques, des hommes et leurs systèmes d'alliance, que les attentes socio-économiques du peuple mauritaniens.

Tout ce brouhaha n'est qu'une diversion, il faut aller à l'essentiel car la "bataille de l'UPR" n'est qu'un épiphénomène en sachant qu'Ould Abdel Aziz n'est plus président, il ne commande plus le Basep, alors il n'a plus de capacité de nuisance, ni d'interférence. Le seul responsable devant les mauritaniens désormais c'est le président de la république Islamique de Mauritanie Mohamed Ould Ghazwani.

Alors ne doit-on pas passer aux choses sérieuses maintenant? Encore une fois, quel gâchis car pour moi c'est "un peu en chacun de ces hommes un Mozart assassiné"/.

Ely Ould Krombele

France

خميس, 05/12/2019 - 12:29