Ghazouani se rapproche du Sénégal

Depuis la prise de fonction de Mohamed ould Cheikh Mohamed Ahmed el-Ghazouani, dit Mohamed ould Ghazouani, le 1er août 2019, les relations entre le Sénégal et la Mauritanie connaissent une embellie, au même titre que celles entre la Mauritanie et le Royaume chérifien, comme cela va souvent de pair. 

Le point d’orgue de ce retour à des relations apaisées entre les deux pays riverains du fleuve Sénégal est évidemment la présence de Mohamed ould Ghazouani, en qualité d’invité d’honneur, au Forum international de Dakar sur la paix et le sécurité, les 18 et 19 novembre 2019. 

Le prédécesseur de Mohamed Ould Ghazouani, Mohamed ould Abel Aziz, n’a pas laissé un bon souvenir à Dakar tant pour les relations de voisinage peu conciliantes avec les pêcheurs Lebous dé Saint-Louis du Sénégal qu’au sujet de l’appropriation des gisements gazier et pétrolier, situés à la frontière maritime des deux pays. A certains moments de la gouvernance de Mohamed ould Abdel Aziz, le spectre des « événements sénégalo-mauritaniens » de 1989-1990 revenait avec une certaine appréhension sur les deux rives du  fleuve Sénégal. 

Ghazouani et le Sénégal

Par son origine familiale et tribale ainsi que son parcours militaire, le nouveau chef de l’État mauritanien était prédisposé à entretenir de bonnes relations avec le Sénégal dont l’histoire est tellement entremêlée avec la Mauritanie. Ĺa ville de Saint-Louis du Sénégal ne fut-t-elle pas un moment capitale du jeune État mauritanien et les grands marabouts mauritaniens ont toujours eu une foule de fidèles sénégalais.

Mohamed ould Ghazouani est le fils d’un guide spirituel de la Tariqa soufie Shâhiliyya de la tribu maraboutique des Ideïboussat. Par son éducation et ses références religieuses, le nouveau président mauritanien possède des points de convergences avec d’importantes personnalités politiques et religieuses sénégalaises appartenant aux confréries soufies du mouridisme ou de la Tijanyya. Les relations personnelles entre Macky Sall et Mohamed ould Ghazouani sont aussi confortées par des objectifs communs que sont la lutte contre le terrorisme, le développement des régions agricoles et notamment la vallée du fleuve Sénégal et la meilleure gestion possible des prometteuses recettes de l’exploitation prochaine des gisements gazier et pétrolier. Dans sa politique d’entente cordiale avec le Sénégal, le président mauritanien peut compter sur son Premier ministre et son ministre de l’Intérieur.

Deux artisans du rapprochement

Le Premier ministre Ismail ould Bedda ould Cheikh Sidiya est originaire de Boutilimit, chef lieu du Trarza, région limitrophe du Sénégal qui accueille le plus de citoyens sénégalais et dont de nombreux ressortissants sont établis au Sénégal, notamment dans le commerce de proximité. Le Premier ministre appartient, lui aussi, à l’une des plus grandes familles maraboutiques du pays, les Ehel Cheikh Sidya de la confrérie Quadiriyya, qui est très influente sur les populations du fleuve Sénégal. Son parent et chef confrèrique, décédé en 2002, Cheikh Yacoub ould Cheikh Sidiya, était un thaumaturge réputé et vénéré pour sa sainteté par d’innombrables Sénégalais. Appartenant à l’importante confédération tribale des Oulad Biri -celle de feu Moktar ould Daddah-, Ismail ould Cheikh Bedda ould Cheikh Sidiya possède toutes les qualités pour nouer des relations de confiance avec les autorités sénégalaises, d’autant qu’il connaissait des relations difficiles avec Mohamed ould Abdel Aziz, après sa disgrâce pour avoir refuser d’entrer dans sa politique de prédation.

L’ancien conseiller politique du candidat Mohamed ould Ghazouani, Mohamed Salem ould Merzoug, est devenu le ministre de l’intérieur et de la décentralisation du nouveau chef de l’État. Cet universitaire, d’origine Haratine de la tribu maraboutique des Idawalis de l’Assaba, jadis très apprécié par la coopération française dans son laboratoire des sciences de la Terre de l’Université de Nouakchott, fut durant une décennie ( 2002-2013), le Haut Commissaire de l’Organisation de mise en valeur de fleuve Sénégal ( OMVS) qui est basée à Dakar. En dépit de quelques problèmes qu’il a eus jadis avec la justice sénégalaise, ce promoteur d’un africanisme solidaire et ardent défenseur de l’intégration régionale est connu et apprécié par de très nombreux hommes politiques et hommes d’affaires sénégalais qu’il fréquenta à Dakar, durant une douzaine d’années. Nul doute que l’ancien Dakarois puis ancien ministre et conseiller de Mohamed ould Aziz a mis  à disposition du président Ghazouani sa grande expérience politique et ses bonnes relations avec les milieux politiques sénégalais.

La venue à Dakar du président mauritanien dans le cadre du Forum international sur la paix et sécurité en Afrique pourrait amorcer l’arrivée du Sénégal dans le G5 sur le Sahel, à la grande satisfaction de la France et de son Premier ministre, également présent au Forum de Dakar. L’ancien président Mohamed ould Abdel Aziz n’y était guère favorable. Progressivement et prudemment, le président Ghazouani prend ses distances avec la politique de son prédécesseur.

اثنين, 18/11/2019 - 17:58