Le seul moyen de rentabiliser la raffinerie de pétrole de NDB serait un PPP selon le bureau Canadien CIMA-OPTEC.

La publication récente des termes de référence pour la sécurisation de la raffinerie par la SOMIR et ses arguments devant justifier son abandon nécessitent des éclaircissements de ma part.

Il s’agit en fait de « l’arbre qui cache la forêt ».Pendant plus de 20 ans, en l’absence d’azote qui est une solution idéale pour la conservation (mais très onéreuse), tous les équipements (échangeurs, colonnes, aéroréfrigérant, fours, réacteurs, etc…) ont été protégés de l’intérieur contre la corrosion par les produits pétroliers qu’ils renferment. La SOMIR compte aujourd’hui, dans le cadre de la sécurisation de la raffinerie enlever tous ces produits. Cette opérationexposerait ces équipements à une corrosion interne intense.

Ainsi la pseudo sécurisation de la raffinerie de Nouadhibou n’est qu’une manœuvre éphémère qui prélude, sans aucun avis technique, à sa mise au rebut.

Les arguments de tout temps de la SOMIR qui justifient pour elle l’abandon de la raffinerie sont les suivants:

- Le fait que le raffinage du pétrole d’une manière générale est non rentable sauf pour les grandes raffineries. Les raffineries du Nigeria et du Maroc sont en faillite et celle du Sénégal est subventionnée par l’état ;

- La non rentabilité de la raffinerie de Nouadhibou.

D’une manière générale, l’industrie pétrolière et gazière africaine qui  connaît un changement de paradigme,  est confrontée à la corruption, la fraude et la pénurie de talents. Comble du paradoxe, malgré ses réserves pétrolières, le Nigeria importe du carburant à tour de bras. Plusieurs de ses raffineries ont été fermées ou mises en vente par manque de pièces de rechange à cause de la mauvaise gestion.

La SAMIR, l’unique raffinerie du Maroc, filiale de la société à capitaux saoudienne Corral Petroleum Holdings AB, est à l’arrêt depuis août 2015. Ne faisant pas figure d’exception, elle est en liquidation judiciaire à  cause de mauvaises opérations de gestion conduites par sa direction générale. "La privatisation de la Samir a été une erreur", a déclaré le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane.

Au Sénégal, le conglomérat saoudien Ben Laden Group rachète à l’État sénégalais des actions de la Société africaine de raffinage en 2010. Puis c'est au tour du jeune homme d'affaires Sénégalais Khadim Bâ (35 ans) propriétaire du groupe  Locafrique de devenir l’actionnaire majoritaire après avoir acquis les parts de Ben Laden Group en 2017. Il s’attaque immédiatement aux problèmes de gouvernance et dénonce un contrat de 400 milliards de F CFA, signé sans appel d’offres, en janvier 2017, avec Oryx Energies, par l’ancien directeur général de la SAR.

Les subventions de la production de cette raffinerie que prétend la SOMIR, n’ont pas leur raison d’être, à partir du moment où cette entreprise est privatisée et l'État n’en détient qu’une part minoritaire. Les subventions à la consommation des produits pétroliers effectuées par le gouvernement sénégalais au profit du consommateur pour corriger les effets de la pauvreté ont été, quant à elles, suspendues depuis 2012 ( Journal officiel N° 6664 du 19 Mai 2012).

Dans un contexte de mondialisation, l’économie d'échelle n'est pas uniquement applicable au raffinage. Les entreprises des pays riches bénéficient d'une longueur d’avance sur leurs concurrentes africaines. La course à la meilleure qualité et aux prix réduits est à leur avantage. Mais cela ne justifie pas pour autant que nous devons baisser les bras et abandonner la production. Le miracle de l’industrialisation réussie des pays asiatiques en est une preuve.

Une raffinerie de pétrole est un outil de souveraineté énergétique que la majorité des pays de la sous-région ont adopté. Je cite en l’occurrence le Maroc, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Niger, le Tchad, la Tunisie, l’Algérie, la Libye etc…Au moment où les raffineries ferment en occident, le coût bas de la main d’œuvre en Afrique a favorisé le lancement d’un large éventail de projets de construction de raffinerie ces dernières années dans les pays suivants : Égypte , Algérie, Gabon, Sénégal, Afrique du Sud, Nigeria, Ouganda, Angola et Soudan du Sud.

Pour la raffinerie de Nouadhibou, le premier démarrage de 1982 était en fait beaucoup plus un test de fonctionnement qu’une marche continue. Il ne pouvait pas être pris comme référence étant donné que les bilans étaient imprécis du fait qu’une bonne partie du produit devait être utilisée pour remplir les capacités vides après la construction. En plus, la maîtrise du fonctionnement de l’usine, sa stabilité de fonctionnement et la régularité de l’approvisionnement en pétrole brut faisaient défaut.

Selon une lettre adressée au Ministère de l’Energie et de l’Hydraulique en 1983 par la SOMIR dans laquelle elle abordait les causes de sa faillite, il n’a pas été question de la non rentabilité de l’usine. C’est la SMCPP qui ne remboursait pas les dettes des produits achetés à la raffinerie et l’impossibilité de mobiliser le fond de roulement de la SOMIR qui en étaient la cause.

La société algérienne Naftal qui a exploité la raffinerie de 1987 à 1999, a gardé ses comptes au secret jusqu’à son départ et personne ne pouvait les auditer pour avoir une idée exacte sur la question.

Donc dire encore que la raffinerie n’a jamais été rentable est une allégation sans fondement et constitue une infamie impardonnable à son égard.

En général, le coût du raffinage dépend du prix du marché du pétrole brut et celui des produits raffinés. Dans certains des cas, il n' y a pas nécessairement de corrélation directe entre les deux. Le prix du brut est très volatil et très spéculatif, et celui des produits finis est fonction de l’offre et de la demande. C’est la raison pour laquelle, plusieurs raffineries ont fait faillite ou gagné de gros bénéfices à cause des fluctuations de ces marchés uniquement et non pas à cause du raffinage lui-même.

L’interprétation par la SOMIR des chiffres du rapport du bureau d’étude Canadien CIMA-OPTEC relatifs aux prix des produits raffinés en comparaison au prix du pétrole brut est très simpliste. Ils auraient pu avoir une vision beaucoup plus large s’ils avaient lu  le paragraphe III de la page 98  du même rapport qui dit au sujet d’un Partenariat Public Privé avec la SOMIR: « la SOMIR bénéficierait ainsi d’une assistance technique permanente et motivée puisque le partenaire serait impliqué financièrement dans le projet dont la rentabilité reposerait largement sur son savoir-faire ».

Dans ce contexte, il se trouve que j’avais déjà listé dans un rapport, adressé à la SOMIR en 2002, les transformations nécessaires pour améliorer la rentabilité de l’usine. 

Toutes les raffineries sont appelées, après leur construction, à être modifiées pour améliorer leur productivité et leur opérabilité en fonction des besoins de l’exploitation. Mais on est en droit de se demander aujourd’hui, s’il n’y a pas des intérêts sous-jacents derrière les tracasseries que notre raffinerie a connues.

A suivre…. 
 

Ci-joint les liens des précédent articles sur la raffinerie

http://aqlame.com/node/4931 (Démantèlement de la raffinerie de Nouadhibou)

http://aqlame.com/node/5266  (Nous avons raté de raffiner le pétrole de Chinguetti et aujourd’hui on fera de même pour le gaz de Ahmeyim !)

http://aqlame.com/node/5469  (Raffinerie de Nouadhibou : « Qui veut tuer son chien l'accuse de la rage  »)

أربعاء, 16/06/2021 - 17:47